Délier la parole
Vingt accusés, dont quatorze seront présents, seront jugés à partir de ce mercredi pour leur participation aux attentats du 13 novembre 2015, trois heures de tueries entre le Stade de France, le Bataclan et les cafés environnants. Les chiffres peuvent nous rassurer, en donnant un semblant de rationalité à une barbarie incompréhensible, l’attaque terroriste la plus meurtrière que la France ait connue depuis l’après-guerre. Il y aura donc dans ce procès hors norme 1 800 parties civiles, 330 avocats,
542 tomes de procédure,
141 médias accrédités. Après les chiffres, c’est le rite judiciaire qui peut rassurer. Le président de la cour, les juges, les droits de la défense, et le lent déroulé des faits, pendant neuf mois d’audience. Est-ce que cela peut réconforter les survivants, assister les proches des victimes, délier la parole ? Nous leur avons parlé avant l’ouverture de la cour d’assises spéciale de Paris, une salle construite à l’intérieur de l’ancien palais de justice pour un procès filmé pour l’histoire, encadré par des mesures de sécurité exceptionnelles. Beaucoup vivent toujours dans un emmurement social lié au traumatisme et à cette impression que ceux qui n’ont pas vécu cette nuit de carnage ne peuvent pas comprendre. Il y a aussi ces témoins qui ont tenu à venir et à faire face, pour surmonter les craintes, se hisser au-dessus de ce statut de victimes que les terroristes leur ont infligé, pour redevenir citoyens d’une nation où la justice a le dernier mot. Il est regrettable que cet événement national ne soit pas diffusé en direct pour permettre à la solidarité collective de se former autour d’eux ; mais les archives filmées resteront pour prouver aux générations futures qu’au-delà des chiffres et des faits, c’est la justice même qui a prévalu au-delà de la barbarie, entre droits des accusés et respect aux victimes. •