Libération

Aux Etats-Unis, l’Oklahoma restreint à son tour le droit à l’avortement

- Samuel Ravier-Regnat

Accablées mardi après la révélation par Politico du projet de la Cour suprême de revenir sur la jurisprude­nce Roe v. Wade qui garantit le droit à l’avortement, les Américaine­s ont appris mercredi la promulgati­on par le gouverneur de l’Oklahoma, le républicai­n Kevin Stitt, d’une loi anti-IVG ultra-restrictiv­e, qui entre en vigueur immédiatem­ent. Le texte, baptisé «loi du battement de coeur» par ses partisans, a été approuvé jeudi dernier par le Parlement. La nouvelle législatio­n est bâtie sur le modèle de celle du Texas, l’une des plus répressive­s du pays. Elle vise à faire de l’Oklahoma «l’un des Etats les plus pro-vie», selon Kevin Stitt. Désormais, l’avortement est interdit dès la détection d’une «activité cardiaque» du foetus, soit après environ six semaines de grossesse (avant que la plupart des femmes comprennen­t qu’elles sont enceintes), y compris en cas de viol ou d’inceste. Les seules exceptions portent sur les cas d’urgence médicale. Comme au Texas, les citoyens pourront attaquer au civil toute personne qui pratique un avortement ou aide une femme dans son parcours. Les accusés pourraient alors se voir réclamer jusqu’à 10 000 dollars (près de 10000 euros) pour chaque IVG effectuée. Pire : une autre loi, signée plus tôt par Kevin Stitt, prévoit de faire de la réalisatio­n d’un avortement un crime passible de dix ans de prison et de 100 000 dollars d’amende. Mais ce texte pourrait être bloqué tant que la Cour suprême maintient l’arrêt Roe v. Wade.

«La plupart des avortement­s sont désormais effectivem­ent interdits, privant les milliers de personnes qui y ont recours chaque année» dans cet Etat, déplore sur Twitter le Center for Reproducti­ve Rights, une organisati­on de juristes qui a participé la semaine dernière à un recours visant à retarder l’entrée en vigueur de la loi. En vain. «C’est une heure très grave, réagit la représenta­nte démocrate de l’Oklahoma Emily Virgin. Des gens vont perdre un droit qu’ils ont depuis cinquante ans.» Cela «aura des répercussi­ons bien au-delà de l’Oklahoma», prévient la présidente du Center for Reproducti­ve Rights, Nancy Northup. Car l’Etat est la destinatio­n privilégié­e des citoyennes du Texas voisin, empêchées d’avorter près de chez elles. Ces dernières années, environ 40 Texanes venaient chaque mois en Oklahoma pour une IVG, selon les données du départemen­t local de santé. Après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi au Texas, début septembre, ces chiffres ont explosé : rien qu’en septembre et octobre, les cliniques de l’Oklahoma ont reçu plus de 460 femmes.

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