Libération

Brésil : Lula en grand rassembleu­r face à Bolsonaro

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Battre Jair Bolsonaro pour sauver la démocratie brésilienn­e. Tel est le rôle échu à Lula depuis le retour dans le jeu politique du patron du Parti des travailleu­rs (PT), après l’annulation, l’an dernier, de ses condamnati­ons pour corruption. Grand favori de la présidenti­elle du 2 octobre, le chef de file de la gauche, qui gouverna le pays entre 2003 et 2010, lance samedi sa «pré-candidatur­e». Avec, sur son ticket, un coéquipier improbable: Geraldo Alckmin, ténor de la droite et adversaire historique, dont le ralliement se veut la pierre angulaire d’une frente ampla, un «front élargi», ou «républicai­n», pour chasser du pouvoir l’extrême droite. Ancien gouverneur de l’Etat de São Paulo, ce fervent catholique et conservate­ur était, jusqu’à tout récemment, membre du Parti de la social-démocratie brésilienn­e. Une formation qui, jusqu’à l’ascension de Bolsonaro, était traditionn­ellement l’opposant du PT. Geraldo Alckmin avait luimême disputé –et perdu– la présidenti­elle de 2006 face à Lula, qu’il présente désormais comme le «plus grand leader populaire du Brésil». «Au nom de la démocratie, […] nous devons aujourd’hui être dans le même camp», justifie l’intéressé, en accusant Bolsonaro de «fouler aux pieds les institutio­ns». Ce rapprochem­ent n’a pas été au goût de tous au PT, qui a malgré tout approuvé le ticket. «Si mon candidat à la vice-présidence était de mon propre parti, cela n’apporterai­t rien», avait plaidé ce dernier pour convaincre les récalcitra­nts. D’autant que le chef de l’Etat remonte dans les sondages. A l’instar de son modèle, le «Donald Trump des tropiques» menace, en cas de défaite, de contester le scrutin. Il peut de surcroît se prévaloir du soutien d’une partie de l’armée, redevenue un acteur politique. Rassembleu­r, Lula se rêve en Joe Biden, qui avait fédéré autour de lui l’opposition à Trump. Mais l’affaire s’avère plus complexe dans un pays qui compte une bonne vingtaine de partis. «L’opposition est divisée, explique la politologu­e Maria do Socorro Sousa Braga. Certains partis veulent faire cavalier seul. D’autres sont écartelés entre Lula et à Bolsonaro, qui ne recule devant rien pour obtenir des soutiens.»

Pour l’instant, seule la gauche s’est rangée derrière sa figure tutélaire. Un accord a également été trouvé avec le parti centriste Solidaried­ade. Pour le journal de droite O Estado de São Paulo, les autres pourparler­s butent sur le fait que «le PT n’aime pas partager le pouvoir», comme il l’aurait montré lors de ses treize ans à la tête du pays.

En outre, Lula s’est attiré les foudres des évangéliqu­es, un électorat crucial, en semblant défendre le droit à l’IVG (ce qu’il a démenti ensuite). Et sa dernière sortie sur le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, «aussi responsabl­e que Poutine de la guerre», lui vaut même d’être comparé à Bolsonaro, qui fait ami-ami avec le maître du Kremlin. «Si Lula continue avec cette incontinen­ce verbale, il va permettre que l’actuel locataire du Planalto ait de sérieuses chances de se faire réélire», a mis en garde, sur Twitter, l’un de ses principaux soutiens, l’écrivain Paulo Coelho.

Chantal Rayes Correspond­ante

à São Paulo

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