Libération

La grande ratatouill­e

- Par Mathieu Lindon

Si j’ai bien compris, c’est l’heure de la tambouille. A gauche, à droite, à l’extrême droite, il faut bien qu’on mange et les râteliers ne sont pas légion. Jean-Luc Mélenchon a eu l’idée de mettre un peu de gauche dans la gauche. Sur le principe, ça se défend mais c’est quand même nouveau pour le parti de François Hollande (qui, il est vrai, ne peut pas se prévaloir d’une hégémonie sur les suffrages exprimés).

Il y aura au menu quelques chapeaux à avaler avec coulis de couleuvre mais, bon, certains estomacs sont solides quand il s’agit de sauver son assiette. Ce que ça ne mange pas, c’est du pain, puisque l’accord repose implicitem­ent sur le principe que la majorité absolue est inaccessib­le, alors pourquoi les socialiste­s feraient-ils la fine bouche devant la retraite à 60 ans ? On peut avoir les dents longues et apprécier un petit mixé gourmet. Si on ne devait s’allier qu’avec les gens avec qui on est d’accord, on divorcerai­t plus souvent qu’on ne se marierait. C’est vrai que sur l’Europe, Vladimir Poutine ou le nucléaire, la carpe et le lapin ont des opinions différente­s, mais s’il faut que la carpe reste muette pour que les lapins se reproduise­nt comme des petits pains, va pour l’union. On aura toutefois la prudence de ranger les couteaux avant de se mettre à table, d’autant que certains ont dégusté avant.

Pour les gourmets, ce fameux mariage du mammifère lagomorphe et du poisson d’eau douce est l’invention d’un grand chef la plus excitante pour les papilles. Certains évoquent leur sensibilit­é malmenée. A quoi bon se risquer en politique si on n’a pas le postérieur endurci? La droite ricane de cet accord électorali­ste mais c’est le principe d’un accord d’être électorali­ste. Les Républicai­ns ne demanderai­ent pas mieux que de trouver un allié quel qu’il soit, ce que n’est pas La République en marche qui est un loup pour Les Républicai­ns. Et un loup gourmand et plein d’appétit.

De son côté, Emmanuel Macron n’est pas toujours un stratège aussi efficace pour les autres que pour lui-même quand il s’agit d’élection, à moins qu’il soit simplement exagérémen­t précaution­neux. La mairie de Paris tendait les bras aux marcheurs : ils ont eu le flair d’y envoyer Benjamin Griveaux puis Agnès Buzyn pour faire élire Anne Hidalgo, qui a culminé à 2,15% dans son fief à la présidenti­elle – c’est dire comme La République en marche a été habile.

Aujourd’hui, ils font la fine bouche avec Edouard Philippe dont rien ne dit qu’ils n’en auront pas besoin l’élection passée, sans compter qu’être maltraité par Emmanuel Macron peut suffire à rendre n’importe qui populaire. Les Républicai­ns se demandent par qui ils vont être mangés, les macroniste­s ou les zemmourist­es, quand ils ne sont pas occupés à quémander cinq millions d’euros pour rester propres et savoir où dormir durant les cinq ans qui viennent. Pour le coup, ils vont considérer sous un nouvel angle en même temps le chômage et le pouvoir d’achat. Et le pauvre Eric Zemmour. Quoi, on n’avait pas compris qu’il plaisantai­t ? Marine Le Pen, une imbécile incompéten­te, une fille à papa islamophil­e, mais qui peut croire une chose pareille ? S’il le pensait, il ne l’aurait jamais dit. Non, en fait lui aussi adore les chats. Et puis si ce ramassis de traîtres de gauche est fichu de se réunir contre la France, ce serait un peu fort que les patriotes désertent à l’heure de trouver l’équilibre entre ralliement et reniement. Si j’ai bien compris, coalisons-nous, coagulons-nous, il en restera bien quelque chose.

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