SOULEYMANE BACHIR DIAGNE
Souleymane Bachir Diagne, né au Sénégal, professeur de philosophie et de français à l’université Columbia, est lui-même un «lieu» de traduction, traversé par les cultures africaine, française et américaine. Dans les titres même de ses ouvrages se lisent, plus que ses intérêts, ses identités multiples et mêlées (dont il est question dans son récent le Fagot de ma mémoire, 2021) : Temps et développement dans la pensée de l’Afrique subsaharienne, Islam et société ouverte, Philosopher en islam et en christianisme, Bergson postcolonial. L’élan vital dans la pensée de Léopold Sédar Senior et de Mohamed Iqbal, etc. Il était donc attendu qu’il abordât directement un jour la question de la «langue des langues» elle-même, à savoir la traduction.
L’ouvrage prend origine des Jensen Mémorial Lectures données en anglais par Souleymane Bachir Diagne au Frobenius Institute de l’université de Francfort. Sans négliger les facteurs qui la «font rimer» avec la domination et la hiérarchisation, lesquelles abaissent les langues périphériques en rendant «supercentrales» les langues centrales, le philosophe fait l’éloge de la traduction, de l’extraordinaire pouvoir qu’elle possède de «créer une relation d’équivalence, de réciprocité entre les identités, de les faire comparaître, c’est-à-dire paraître ensemble sur un pied d’égalité, en faisant que de langue à langue on se parle et se comprenne». La traduction est humanisme. «La visée du travail même de traduire, de la tâche du traducteur, de son éthique et de sa poétique est de créer de la réciprocité, de la rencontre dans une humanité commune.»