Libération

Thomas Ngijol file doux

L’humoriste, de retour sur scène, noie la gnak d’antan dans des lieux communs aseptisés du stand-up.

- Sandra Onana

Six ans que Thomas Ngijol n’avait pas joué de nouveau spectacle. On s’y rend en se demandant s’il a encore des choses à raconter, on ressort avec l’impression qu’il n’en est pas très sûr lui-même. Cela déçoit d’autant plus qu’à la télé, l’humoriste excelle toujours dans la satire – on l’y a vu jouer la gratitude sirupeuse de l’artiste des cités à qui «la France a tout donné», la honte du néobobo noir en route pour le concert de Petit Biscuit, lorsqu’il croise le regard de son chauffeur Uber… Sur scène, parce qu’il fait trop confiance à son charisme de gentil géant, au capital mignonneri­e d’un spectacle en forme de feuilletag­e d’album de famille (fierté du papounet qui multiplie les dédicaces à sa progénitur­e et à sa compagne, Karole Rocher), le sniper des débuts se fait mollement violence pour qu’on se paye une bonne tranche. «Le crocodile du Botswanga» ne mord plus, «Black snake» a vécu. La version lézard pépère s’oublie en causette et en impro avec les jeunes spectateur­s qu’il interpelle dans la salle.

Sous cette bannière «faites des poutous, pas des crasses», des restes de fantaisie tiennent bon. Saluons la création du personnage Super-Chatte, l’héroïne qui vole au secours des féministes dans un segment plus acerbe du spectacle. Personnage qui surfe toutefois confortabl­ement sur le souvenir du «Superman noir» qui a fait la notoriété de Ngijol il y a quinze ans… Sinon, celui qui prétend tourner en ridicule les mantras sur le «vivre-ensemble» ne déroge pas à une loi d’airain dans le stand-up français. Le public est assuré de repartir avec quelques sagesses bon marché sur la vie en société, (type «vive le melting-pot culturel», «aimez-vous les uns les autres», «le futur sera mieux demain», choisissez votre poison…), servies comme une synthèse et conclusion des thématique­s du spectacle avant le baisser de rideau. On ne perdrait rien à voir disparaîtr­e une bonne fois pour toutes cette manie consensuel­le chez les artistes, qui n’aide pas franchemen­t à convaincre de leur mordant.

L’OEil du tigre Jusqu’au 28 mai au théâtre Déjazet (75 003)

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Photo Lionel Koretsky Thomas Ngijol en 2021.

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