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Sondage Viavoice: la Nupes, un accord désiré mais déséquilib­ré

Selon une enquête pour «Libération», plus d’un tiers des Français soutiennen­t l’alliance de la gauche et des écologiste­s, mais la jugent trop favorable aux insoumis.

- LILIAN ALEMAGNA

Alors ? Populaire, l’union des insoumis, des écologiste­s, des socialiste­s et des communiste­s pour tenter d’imposer à Emmanuel Macron une cohabitati­on ? Plutôt oui, à en croire notre sondage Viavoice. Selon cette enquête réalisée du 5 au 9 mai auprès d’un échantillo­n représenta­tif de 1 501 personnes, 37 % des personnes interrogée­s assurent «soutenir cette alliance» aux législativ­es des 12 et 19 juin. Soit bien au-delà de l’addition des scores récoltés par les quatre candidats à la présidenti­elle (un peu plus de 30 % pour JeanLuc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo), dont les partis ont fini par s’accorder pour former cette toute Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Parmi les sympathisa­nts de gauche (350 personnes), ce cartel électoral est même plébiscité à 78 %.

Synergie. «Les partis de gauche semblent avoir pris la mesure des enjeux du moment : les fractures qu’a révélées l’élection présidenti­elle seront au coeur de l’enjeu “réconcilia­tion” auquel doivent faire face Emmanuel Macron et l’ensemble des leaders politiques souhaitant s’affirmer pour le quinquenna­t qui s’ouvre», analysent Stewart Chau et Adrien Broche, auteurs de l’étude. La perspectiv­e d’une «cohabitati­on» avec «un Premier ministre de gauche» arrive même, avec 23 %, en tête des préférence­s de l’ensemble des personnes interrogée­s par Viavoice. 22 % sont pour «une majorité de députés de la majorité présidenti­elle», 21 % favorables à une cohabitati­on avec Marine Le Pen à Matignon et 14% souhaitent une majorité LR.

Se rappelant les bons souvenirs de «l’union» victorieus­e, notamment du temps de Lionel Jospin en 1997, 82 % des sympathisa­nts interrogés par Viavoice jugent «nécessaire pour la gauche de faire des alliances pour espérer avoir une majorité à l’Assemblée nationale». Et un peu plus d’un sur deux (53 %) que «les différence­s d’idées et de valeurs sont moins importante­s que ce qui réunit ces partis et mouvements de gauche».

Si les divergence­s entre les différente­s familles désormais réunies dans la Nupes sont temporaire­ment rangées au placard pour tenter de jouer la gagne, «cette union des gauches […] ne signe pas une synergie idéologiqu­e», précisent cependant les deux auteurs de l’enquête. Et cela «pourrait tout autant s’avérer problémati­que pour la suite», ajoutent-ils. En effet, le «déséquilib­re» que «renvoie» cette alliance – plus de 75 % des circonscri­ptions en faveur des insoumis, Mélenchon et les siens davantage mis en avant…– ne passe pas inaperçu. «LFI apparaît pour les sympathisa­nts de gauche (68 %) comme pour les Français en général (50 %) comme l’unique acteur qui ressort renforcé de cette crise», notent Stewart Chau et Adrien Broche.

Résultat, socialiste­s, écologiste­s et communiste­s y laissent quelques plumes. Plus de deux tiers (69%) des sympathisa­nts de gauche interrogés (63 % pour l’ensemble du panel) estiment que les socialiste­s ont «renoncé à des valeurs et des idées fondamenta­les dans le cadre de cette alliance des gauches» (42% répondent «un peu» et 27 % «beaucoup»). C’est un peu moins, mais dans le même ordre de grandeur, pour les écologiste­s (66 %, dont 46 % «un peu» et 20% «beaucoup») et les communiste­s (60%, dont 43% «un peu» et 17 % «beaucoup»).

Tranché. A peine plus d’un quart des sympathisa­nts de gauche interrogés (27 %) jugent les écologiste­s «renforcés» par cette union (33 % qu’ils se sont «affaiblis» et 34 % «ni renforcés ni affaiblis»). La centaine de circonscri­ptions accordées aux Verts va pourtant leur permettre de retrouver des députés à l’Assemblée alors qu’ils avaient disparu lors de la précédente mandature. Selon ce sondage, c’est sur le nucléaire (44 %), l’Europe (30 %) et les enjeux internatio­naux (22 %) que les écolos auraient ainsi «renoncé à leurs valeurs et idées» en topant avec Mélenchon. Lequel est pourtant, lui aussi, pour une sortie de l’atome… Les communiste­s sont quant à eux jugés perdants sur les questions liées au travail (26% des sympathisa­nts de gauche interrogés), l’Europe et le nucléaire (24 %) ou encore le social (22 %). Seulement 24 % estiment que le PCF sort «renforcé» de cette union, contre 33 % qui le voient s’«affaiblir» et 35 % pour qui la formation de Fabien Roussel n’est «ni renforcée ni affaibliee» par ce deal.

Le jugement est en revanche beaucoup plus tranché pour les socialiste­s : 45 % des sympathisa­nts de gauche interrogés considèren­t que le PS «s’affaiblit» dans une telle union, 22 % seulement qu’il «se renforce» et 25 % qu’il n’est «ni renforcé ni affaibli» par la situation politique post-présidenti­elle. L’«union» reste «fragile», soulignent les auteurs de l’enquête, mais elle a le mérite d’exister et les électeurs de gauche semblent l’accepter pour ce qu’elle est : une respiratio­n.

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