Dans l’Hérault, les socialistes montrent les dissidents
Dans un département historiquement acquis au PS, plusieurs figures du parti n’ont guère apprécié de ne voir aucun des leurs investis par la Nupes. Et ont décidé de présenter leurs candidats.
Zéro. Aucune des neuf circonscriptions héraultaises n’a été offerte aux socialistes dans ce bastion historique du parti. Sept insoumis, un communiste et une écolo figurent sur les investitures estampillées Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). La pilule est impossible à avaler dans ce département qui n’a plus de députés socialistes depuis 2017 : «L’accord national, dans l’Hérault, on va s’asseoir dessus. Et on va s’asseoir dessus confortablement», lâchait Hussein Bourgi, sénateur et ancien premier secrétaire fédéral du PS héraultais, le 4 mai, en conférence de presse.
Ce jour-là, Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie et désormais fer de lance de cette rébellion régionale, présentait trois candidats faisant fi des accords signés à Paris entre le PS et La France insoumise. Trois «candidatures de territoire» qui pourraient être estampillées «majorité départementale». A côté d’elle, Kléber Mesquida, président PS du conseil départemental de l’Hérault, lançait : «On n’a pas vocation à être des carpettes.» «C’est une volonté pure et simple d’effacer les socialistes, a dénoncé Christian Assaf, député héraultais sous Hollande. La volonté de Jean-Luc Mélenchon, c’est de nous faire payer son départ du PS» en 2008.
«Fauxcialiste». Julien Pradel, premier secrétaire fédéral, avance toutefois que «rien n’est encore fixé» : «Un conseil fédéral se tiendra vendredi, précise-t-il. Nous pourrions soutenir aussi des candidatures de gauche hors Nupes.» L’un des trois candidats présentés le 4 mai a déjà jeté l’éponge, ne voulant pas «ajouter de la confusion à la confusion». Mais il sera remplacé. Et dans la 2e circonscription, celle de Montpellier, détenue depuis 2017 par l’insoumise Muriel Ressiguier, un autre binôme «de la gauche rassemblée» a surgi. Il est composé de la socialiste Fatima Bellaredj et de sa suppléante écologiste Jacqueline Markovic. Toutes deux désormais… dissidentes. Bellaredj avait obtenu 6,9% des voix lors des législatives de 2017. Elle se dit aujourd’hui persuadée que «le populisme ne prendra pas la place du socialisme».
Pourtant, les résultats de la présidentielle sont sans appel à Montpellier : 40,7 % pour
Jean-Luc Mélenchon, 2,3 % pour Anne Hidalgo. Pas sûr que le soutien de Michaël Delafosse, maire PS de Montpellier qui avait fait l’union en 2020 avec les écologistes, suffise à donner du poids au duo. Le mouvement Nous sommes, proche de LFI et ancré dans l’opposition municipale, qualifie aujourd’hui Delafosse de «fauxcialiste» et écrit avec une pointe de perfidie: «Faire perdre l’union, le pari du maire macroniste de Montpellier.» «Les Montpelliérains n’ont pas à recevoir d’ordre d’appareils parisiens, a rétorqué Delafosse dans une interview à Midi libre le week-end dernier. L’union, c’est nous.» L’élu en profitait pour proposer que «la gauche des idées» se réunisse à Montpellier en octobre. La capitale du Languedoc, futur QG des dissidents socialistes ? «Il faut tracer des perspectives nouvelles», répond le maire.
«Ils veulent marquer le coup. Il est vrai que zéro investiture, ça pose question pour leur avenir et les futures élections.» Michel Crespy sociologue et politologue
Tradition. Montpellier a une longue expérience de dissidence socialiste. Georges Frêche, son ancien maire emblématique (de 1977 à 2004) puis grand baron de la région Languedoc-Roussillon – qu’il a dirigée fermement de 2004 jusqu’à sa mort, en octobre 2010 –, avait été exclu du PS en 2007 après une série de propos jugées «non compatibles avec les valeurs d’égalité et de respect des droits humains» par son parti. Frêche avait qualifié des harkis membres d’une association proche de la droite locale de «sous-hommes» et avait suscité une polémique nationale en jugeant trop élevé le nombre de joueurs noirs en équipe de France de football. Cela ne l’empêchera pas de l’emporter largement aux régionales de 2010 : 34,3 % contre 7,7 % pour la liste PS officielle… «La réaction des socialistes héraultais [pour ces législatives] s’inscrit dans la vieille tradition de rébellion des socialistes héraultais, replace Michel Crespy, sociologue, politologue et observateur avisé du landerneau depuis cinquante ans. Ils s’estiment très mal traités par leur direction. Ils veulent marquer le coup. Il est vrai que zéro investiture, ça pose question pour leur avenir et les futures élections.»
Pour ajouter à la confusion, d’autres anciens dissidents socialistes sont en lice pour ces l égislatives : l’ex-maire de Montpellier Philippe Saurel, exclu du Parti socialiste en 2014 pour ne pas avoir respecté la primaire locale avant d’être élu dans la foulée. Idem à Béziers, où Claude Zemmour, un ancien PS, se présente dans la seule circonscription du département raflée en 2017 par le RN, celle d’Emmanuelle Ménard. Arrivée en tête au premier tour dans l’Hérault en avril, Marine Le Pen ne peut que se réjouir de cette désunion.