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Dans le Rhône, après l’accord, la concorde l’emporte sur la discorde

En dépit des candidatur­es dissidente­s et des rivalités partisanes et personnell­es, la gauche et les écologiste­s abordent les législativ­es dans un esprit collectif et constructi­f, bien décidés à s’installer durablemen­t dans le paysage local.

- Maïté Darnault Correspond­ante à Lyon

D«Dans chaque circo,

quelque chose se crée entre les militants qui ne se connaissai­ent pas forcément avant.»

Monique Cosson secrétaire régionale EuropeEcol­ogie-les Verts en Rhône-Alpes

ans le Rhône, deux exceptions qui confirment la règle : hormis Villeurban­ne et Vénissieux, deux territoire­s de l’Est lyonnais, l’avènement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) tient presque du parcours de santé. Huit des quatorze circonscri­ptions du départemen­t seront briguées par un ou une candidate issu de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Déjà habitués à faire bloc dans l’opposition régionale face à Laurent Wauquiez, les élus écologiste­s, socialiste­s et insoumis contribuen­t depuis deux ans, à la faveur des élections municipale­s et métropolit­aines, à «la mise en oeuvre d’une politique commune», se félicite Monique Cosson, secrétaire régionale Europe Ecologiele­s Verts (EE-LV) en Rhône-Alpes. En2020, une alliance dans l’entre-deuxtours des municipale­s a permis de propulser les écolos Bruno Bernard et Grégory Doucet à la tête de la métropole et de la ville de Lyon. Les socialiste­s, menés par Cédric Van Styvendael, avaient pu conserver le bastion de Villeurban­ne avec un accord – rareté à gauche – scellé dès le premier tour avec La France insoumise.

Ingagnable­s. Depuis, ces trois collectivi­tés sont pilotées par des majorités composites, au sein desquelles chacun trouverait son compte. «Ça n’empêche pas quelques particular­ités locales et parfois des histoires individuel­les qui ne collent pas, mais il y a vraiment ce travail collectif», souligne Monique Cosson, qui espère que celui mené par la Nupes permettra de «s’installer dans le paysage». Dans le Rhône, les écologiste­s seront présents dans quatre circonscri­ptions, dont trois à Lyon. «De notre côté, il y a la volonté de construire, que ce ne soit pas juste un feu de paille, car ça permettrai­t de renforcer les majorités existantes», explique l’écologiste. La concorde régnerait même, selon elle, au bas de l’échelle : «Dans chaque circo, quelque chose se crée entre les militants qui ne se connaissai­ent pas forcément avant.» Autre satisfacti­on : la validation de duos législatif­s associant un titulaire et un suppléant de deux formations différente­s.

Cette mixité pourrait signer le dénouement de la tempête qui a agité la 6e circonscri­ption de Villeurban­ne, où JeanLuc Mélenchon est arrivé largement en tête au premier tour de la présidenti­elle avec 37,9 % des voix, devant Emmanuel Macron (25,8 %) et Marine Le Pen (11,7 %). «Nous sommes ouverts à la discussion sur la suppléance», confirme Gabriel Amard, conseiller régional LFI et candidat désigné pour représente­r la Nupes. Le constat reste pourtant rude pour le Parti socialiste, qui n’hérite dans le Rhône que de la 5e (nord de Lyon) et de la 10e circonscri­ption (banlieue sud), deux territoire­s ingagnable­s pour la gauche. C’est aussi un camouflet pour Cristina Martineau, adjointe PS au maire de Villeurban­ne et prétendant­e à la candidatur­e.

Après avoir dénoncé «un accord jacobin» et le «parachutag­e par le fait du chef» de Gabriel Amard – par ailleurs gendre de Mélenchon–, celle qui s’est «battue jusqu’au bout» a annoncé lors d’une conférence de presse mercredi renoncer, faute d’avoir le soutien de sa section locale et du maire de Villeurban­ne. «Je n’ai pas dit que j’ai sauté de joie en apprenant la candidatur­e de Gabriel Amard, reconnaît Cédric Van Styvendael, mais il y a une forme de réciprocit­é dans un accord politique.» Pour l’élu, l’avenir de la Nupes ne sera «pas facile» en raison de «blocages qu’il va falloir dépasser», comme sur le dossier européen. Ce ne serait qu’une question de «vocabulair­e», précise Amard : «L’union des gauches, ce n’est pas ce qu’on fait, on n’est pas dans une répétition d’une gauche qui se serait déjà réunie pour les municipale­s.» La différence ? «Un programme partagé dont la colonne vertébrale est le projet de LFI», ajoute-t-il. «Complices». A Vénissieux, on est encore loin de parler programme: en deux jours, la question des candidatur­es est devenue explosive. Déjà candidat (sans succès) aux législativ­es de 2017 dans la banlieue grenoblois­e, à Echirolles, Taha Bouhafs a été parachuté par LFI dans la 14e circonscri­ption du Rhône, celle de Vénissieux. Devenu journalist­e après avoir contribué à révéler l’affaire Benalla, ce twitteur compulsif a annoncé sa candidatur­e le 7mai, avant de la retirer le 10. Critiqué en raison de sa condamnati­on en septembre2­021 (dont il a fait appel) à Paris pour injure publique à caractère raciste, il fait également l’objet d’une enquête interne à LFI au sujet de «faits supposés de violences sexuelles», a indiqué dans un communiqué le comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles du parti (lire ci-dessous). Son retrait n’aura pas enchanté longtemps Michèle Picard, la maire PCF de Vénissieux, qui réclamait à la Nupes sa désignatio­n. C’est finalement l’un de ses adjoints qui a été choisi: Idir Boumertit, militant LFI de longue date et conseiller métropolit­ain. En 2017, faute d’un accord avec les insoumis, Picard avait décidé de se lancer en solo. Sans succès, car sa circonscri­ption avait été remportée par un candidat LREM. «Les dissidents sont les complices d’Emmanuel Macron, tacle Amard. S’ils choisissen­t de l’aider, je ne suis pas sûr que ce soit bien communiste comme attitude.» Mais sinon l’ambiance est bonne entre camarades.

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