Libération

Epreuves de spécialité­s du bac : «On est un peu la génération test»

- Par Marlène Thomas

Au lycée Buffon, à Paris, les lycéens ont passé leur première épreuve de spécialité, mercredi. Si certains se disent soulagés et jugent l’examen plus simple que prévu, d’autres regrettent un nouveau système à la logistique complexe.

Il y a les grands inquiets arrivés une heure en avance, les yeux rivés sur leurs fiches de révisions bariolées de surligneur. Et ceux, plus sereins, qui déboulent dix minutes avant la sonnerie. Il ne fait aucun doute que le bac est bel et bien de retour. «Depuis tout petit, on nous en parle, et là c’est maintenant. C’est un peu surréalist­e», lâche Alexandre, 18 ans, qui s’apprête à passer son épreuve de spécialité arts plastiques ce mercredi aprèsmidi au lycée Buffon, dans le XVe arrondisse­ment de Paris.

Injustice.

Tenant compte d’un parcours scolaire cabossé par deuxans de pandémie et d’une nouvelle vague omicron sans pitié, le ministère de l’Education nationale avait, fin janvier, annoncé reporter les épreuves de spécialité­s de mi-mars à mi-mai. Avec le grand oral, elles constituen­t les piliers de la réforme du bac de Jean-Michel Blanquer et sont donc inaugurées en ce mois de mai 2022, après leur annulation l’an passé. Le coup d’envoi a été donné mercredi pour trois jours. Ce rendez-vous est crucial pour les 523 199 candidats des filières générale et technologi­que, qui auront chacun deux épreuves. Ces matières – choisies au nombre de trois en première, dont deux conservées en terminale – remplacent en voie générale les filières scientifiq­ue, littéraire et économique. Le coefficien­t monte à 16 pour chaque épreuve, soit près d’un tiers de la note finale, presque autant que les 40 % dévolus au contrôle continu. Alexandre s’estime chanceux : «Le nouveau bac est plus simple, on a moins d’épreuves et moins de choses à réviser.»

Avant de s’engouffrer sous la grande porte en bois de l’établissem­ent, les élèves débattent du bien-fondé du report et du nouvel étalement du calendrier du bac. «Pour les arts plastiques, je suis prête car il n’y a pas grand-chose à réviser mais pour les SES, c’est plus compliqué. On a terminé le programme avant les vacances de Pâques», déroule Carolina, 17 ans, ajoutant qu’elle aurait «préféré avoir les épreuves en juin et trois semaines de révisions en plus». Son amie Clémence, 18 ans, qui a fait le choix d’une doublette humanités littératur­e et philosophi­e-littératur­e anglaise, nuance : «Ça aurait été tout concentré. Je pense que, de toute façon, on n’est jamais vraiment prêts.» Arrivé dans les derniers au lycée, Jovanny, 18 ans, abonde : «Les passer en mai permet de souffler un peu avant la philo et le grand oral en juin.» Particular­ité de ce nouveau bac Blanquer, le nombre de combinaiso­ns de spécialité­s étant important, il est impossible de faire passer tous les élèves en même temps. Chaque matière fait donc l’objet de deux sessions d’épreuves. De quoi alimenter le sentiment d’injustice. «Quasiment tout le lycée passe l’épreuve de SES aujourd’hui, on ne sera que cinq à le passer demain. Ce n’est pas normal. Ils peuvent avoir un sujet super simple et nous un sujet super dur», martèle Carolina. Avant de poursuivre: «Ça fait perdre le caractère national des épreuves. Nos parents, frères et soeurs, passaient le même sujet, retournaie­nt leurs copies en même temps.» Son amie Clémence se veut rassurante: «Je pense qu’ils essaient de faire en sorte que ça soit des sujets équivalent­s.» Avant le début des épreuves, les comparaiso­ns avaient déjà commencé. En «très grand stress», Marie, 18 ans, en spécialité­s SES-anglais, regrette: «On subit les réformes, on est un peu la génération test.»

Deux heures après le début de l’épreuve, Raphaël est parmi les premiers à sortir. «Ça allait. Les maths, ce n’était pas très compliqué, surtout qu’on a eu un QCM parmi les exercices», se réjouit le lycéen de 18 ans, moins serein pour l’écrit de physique-chimie qui l’attend ce jeudi. Sorti rapidement de la salle, Paul regrette même un manque «d’exigence pour cette épreuve de maths»: «Notre diplôme n’a plus trop de sens, les épreuves sont trop simples et on a du contrôle continu.» Pour Elenore, tous les espoirs sont encore permis : «J’ai trop peur mais il y a grave moyen que j’aie la moyenne en maths. Je n’ai jamais eu la moyenne de l’année.» Assis sur les marches du lycée, Mathis lance à la volée : «Comme ça fait du bien que ça soit passé !» Cet écrit de physique-chimie qu’il redoutait le plus «était finalement plus simple» qu’anticipé. Les candidats ont pu compter sur un exceptionn­el filet de sécurité «grâce» au Covid : la possibilit­é de choisir entre deux sujets ou plusieurs exercices. «Pouvoir faire l’impasse sur un sujet a été fort utile», avoue Mathis.

«Difficile».

A mesure que les minutes s’égrènent, le parvis retrouve son effervesce­nce d’avant épreuve. Les «alors ?» fusent, les feuilles blanches volettent aux côtés des brouillons chamarrés. Carolina a pris tout le temps qu’il y avait à sa dispositio­n –4 heures– et en a même manqué. «Je ne m’attendais pas à ça. Ça m’inquiète encore plus pour les SES jeudi, surtout que ceux qui passaient aujourd’hui ont eu un sujet très facile.» En humanités, son amie Clémence a également dû jouer contre la montre. «Les sujets étaient intéressan­ts mais difficiles par rapport à ce qu’on avait préparé.» Alors que les esprits se tournent déjà vers le deuxième écrit, Carolina se projette : «On a plus d’un mois à attendre avant d’avoir les résultats. Je sais que je ne vais pas arrêter de me dire que j’aurais dû dire ça, ça et ça.»

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Photo Livia Saavedra Plus de 500 000 lycéens ont passé, mercredi, leur première épreuve de spécialité du baccalauré­at.

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