Jesse Eisenberg crie famille
Le premier film du comédien américain, qui ouvre la Semaine de la critique, est une chronique familiale à la satire excessive.
SEMAINE DE LA CRITIQUE
WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD de Jesse Eisenberg, avec Julianne Moore, Finn Wolfhard… 1 h 28.
Les films sur l’adolescence, cet immense continent! Il y a ceux qui la célèbrent, la magnifient, la cueillent à vif. Et il y a les autres, résolus à forer dans ses profondeurs d’ennui et d’auto-détestation – disons l’école Noah Baumbach – qu’on sent souvent encore tout énervés de ce qui a pu leur arriver, pas sortis de l’âge ingrat, pleins de méchanceté et d’envie d’être brillants. Tel est When you Finish Saving the World, premier long-métrage du comédien Jesse Eisenberg (The Social Network), en ouverture de la Semaine de la critique, résolu à faire mouche avec sa satire d’un duo mère-fils prélevés sur le biotope de la classe moyenne américaine, versant démocrate et suréduqué, gâtés et furieux de l’être, empêtrés dans leurs contradictions. Julianne Moore, formidable d’énervement à peine contenu, lèvres pincées et sûre de son fait, incarne Evelyn, qui dirige un foyer pour femmes battues. Elle a le complexe du sauveur-vengeur, et se désole de cette autre forme de narcissisme, plus contemporaine, qu’a adoptée son fils Ziggy (Finn Wolfhard), lequel se réjouit d’avoir 20000 followers sur la chaîne YouTube où il chante.
Ziggy aimerait être moins creux, tombe amoureux d’une belle fille politisée (Alisha Boe), se prend les pieds dans le tapis. Un transfert n’arrivant jamais seul, Evelyn de son côté jette son dévolu sur le fils d’une de ses pensionnaires qu’elle souhaite envoyer à la fac contre sa volonté. Tout à sa férocité et ses piques, caricaturant cette nordaméricaine envie «d’être meilleurs», Eisenberg en oublie la générosité, la vraisemblance, le scénario. La fin, douce-amère, semble tomber de nulle part.