CANNES CANAPÉ
«Je vais vous raconter une histoire.» Volodymyr Z., nouveau Zelig, cérémonie d’ouverture.
Téléphone, télévision, écrans. Télé, c’est-à-dire la distance. De la control room sur canapé, les marches du Palais sont à portée de main et de regard, interface du tactile et de l’érectile comme un vieux Cronenberg. Mardi soir, première effervescence de la montée de marches, événement pour les seuls médias – sur place, ce n’est que lointain brouhaha. Sur TikTok, deux influenceurs demandent aux robes longues et aux smokings le nom de leur marque d’habits, comme un mauvais rêve de Bret Easton Ellis, puis ponctuent : «You look amaaazing.» Pendant que des milliers de viewers prénubiles victimes de la rumeur inondent de trois lettres les commentaires : «BTS ?! Are they coming ?!» Dans la salle, là-haut, le public présénile ne connaît pas le boys band sudcoréen le plus populaire au monde, et entonne du Johnny Delerm. La distance en haut des marches est un fossé, des générations, et des duplex surprise. La surprise, chose exceptionnelle dans un Festival construit d’attentes jamais couronnées. Live from Kyiv, mesdames messieurs. Zelensky, qu’on se le dise, est le grand metteur en scène langien des «temps modernes». Il est cela aussi. A lui le film d’ouverture, le vrai, la masterclass. Puis ce carambolage fou, l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat et l’Arroseur arrosé – le héros et son antagoniste sortis du train, résuma-t-il : storytelling nouveau, mixant docu et fiction des origines. Acteur auteur, barbier juif et «director» moquant le grand dictateur (qui lui a piqué son prénom, pas sa moustache). Pour parachever le catapultage, le montage, il faudrait Godard et son image incrustée de Mabuse Facetime à la conf de presse de 2018. On rêve d’un train-film à la Medvedkine, à bord VZ et JLG, lequel samplerait les BTS au marteau-piqueur. «Ça fait sens puisque c’est un ancien acteur» (Benjamin B., ancien chanteur). Au-dessus d’un parterre de Z comme zombies, Génération Z et sigle de terreur du Great Dictateur de Russie, Charlot forever. Tu n’as rien vu. Tu n’as encore rien vu. •