Libération

Travail : Dussopt au front sur les retraites

L’ancien socialiste quitte les Comptes publics et prend du galon alors que le chômage est au plus bas. Mais la réforme des retraites, qui lui échoit, risque d’être houleuse.

- Frantz Durupt

Tout comme Elisabeth Borne, qui l’a précédé et occupe désormais Matignon, il est, selon la formule consacrée, «issu de la gauche». C’est sans doute ce qui justifie, en partie, que l’ex-socialiste Olivier Dussopt quitte Bercy, où il était ministre délégué chargé des Comptes publics, pour prendre la tête d’un ministère «du Travail, du Plein-Emploi et de l’Insertion». Un poste où il devra mettre en oeuvre la promesse de campagne la plus controvers­ée du chef de l’Etat réélu : le report de l’âge légal de départ en retraite, avec l’objectif d’atteindre 65 ans en 2031. Cet ancien proche de Benoît Hamon, qui a aussi été porteparol­e de Martine Aubry, parviendra-t-il à porter efficaceme­nt la promesse macronienn­e d’une «nouvelle méthode» de dialogue social qui ferait oublier la verticalit­é extrême du précédent quinquenna­t ? Pas sûr, car de l’eau a coulé sous les ponts depuis : lors de la primaire socialiste de 2017, Olivier Dussopt avait soutenu Manuel Valls. Et en faisant son entrée au gouverneme­nt d’Edouard Philippe dès novembre 2017, geste qui lui a valu son exclusion du PS, il est devenu un macroniste des plus fidèles, menant notamment la réforme de la fonction publique de 2019 qui comprenait, entre autres, l’imposition des trente-cinq heures à toute la fonction publique.

Durant la campagne présidenti­elle, le quadragéna­ire s’est aventuré sur le terrain des retraites à l’occasion de quelques passages dans les médias. «Si vous considérez qu’avec un déficit supérieur à 10 milliards d’euros chaque année, on est dans un système équilibré, ce n’est pas tout à fait ma conception de l’équilibre», disait-il sur Europe 1 le 11 mars, en réponse aux études du Conseil d’orientatio­n des retraites (COR) selon lesquelles le système n’est pas menacé de s’effondrer financière­ment. Un système «injuste parce qu’il tient peu compte de la précarité, parce qu’il sanctionne ceux qui ont connu des carrières hachées ou faites d’allersreto­urs entre différents régimes et parce qu’il ne tient pas suffisamme­nt compte des spécificit­és de chacun des métiers», complétait-il sur BFM Business au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron. Des arguments qu’il aura l’occasion de répéter durant la grande «concertati­on» avec les organisati­ons syndicales et patronales promise par le chef de l’Etat, qui devrait porter sur le calendrier, les carrières longues, la pénibilité et la revalorisa­tion de la pension minimale pour une carrière complète. Mais même flanqué d’Elisabeth Borne, que les représenta­nts des salariés connaissen­t et respectent humainemen­t, le ministre aura fort à faire pour rendre acceptable à leurs yeux une réforme qu’ils jugent tous injuste et reposant sur des postulats démographi­ques, politiques et financiers contestabl­es. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a d’ailleurs rappelé jeudi sur BFM TV qu’elle provoquera­it immanquabl­ement de la «conflictua­lité», un terme lourd de sens dans la bouche de ce modéré.

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