Libération

Pour la Santé, transfuges et traquenard­s

- Nina Jackowski et Nathalie Raulin

L’ancienne du PS Brigitte Bourguigno­n et l’ex-président du groupe LR à l’Assemblée Damien Abad s’engagent sur un chemin particuliè­rement ardu.

Jeu de chaises musicales avenue de Ségur. C’est à sa ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguigno­n, qu’Olivier Véran cède son fauteuil au ministère de la Santé et de la Prévention. Une promotion de nature à conforter l’aile gauche de la macronie. Comme son prédécesse­ur, Bourguigno­n est une transfuge du Parti socialiste. Elue en 2012 députée du Pas-de-Calais sous l’étiquette PS, elle avait rallié Macron entre les deux tours de la présidenti­elle de 2017. La «militante du social» avait toutefois continué de revendique­r sa sensibilit­é politique : elle a été la première à regretter que le gouverneme­nt d’Edouard Philippe oublie «la jambe sociale» du projet du candidat d’En marche… Depuis son entrée dans le gouverneme­nt Castex en juillet 2020, l’ex-députée s’est pourtant faite discrète. Question de circonstan­ces, la gestion de l’épidémie de Covid focalisant l’attention. Faute surtout d’avoir obtenu le feu vert de l’Elysée pour mener à bien le chantier qui lui tient à coeur. Car Bourguigno­n, qui espérait porter la «grande réforme sociale du quinquenna­t», cette loi sur la «dépendance» promise par Emmanuel Macron en juillet 2018, a dû baisser pavillon. «Le grand âge est le sujet de l’après-crise», admettait en février l’ex-présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Caution. Le second quinquenna­t rebat les cartes. En novembre, Macron n’avait pas caché sa volonté de coupler réforme des retraites et enjeux du vieillisse­ment de la population. Désormais à l’agenda, la réforme des retraites, d’inspiratio­n budgétaire, risque de liguer toutes les opposition­s contre elle. L’assortir d’un volet grand âge, plus social et sociétal, serait un moyen d’aplanir les résistance­s. A 63 ans, la nouvelle ministre de la Santé, qui connaît le dossier sur le bout des doigts, serait alors appelée à jouer un rôle de premier plan. Ancienne secrétaire médicale qui «n’a pas appris le social dans les bouquins», comme elle le rappelle volontiers, Bourguigno­n donnerait au passage une caution de gauche au dispositif.

Mais, si elle sert l’objectif prioritair­e de l’exécutif, la promotion de Bourguigno­n pourrait créer de sévères effets de bord. Spécialist­e des questions relatives à la dépendance des personnes âgées, elle est en revanche moins capée sur les dossiers brûlants et bourrés de chausse-trappes qui s’accumulent sur son nouveau bureau. C’est vrai de la refonte nécessaire de l’organisati­on du système de santé dans un contexte de difficulté croissante de la population à accéder à l’offre de soins de premier recours. Cela l’est aussi de la réforme de l’hôpital public, en pleine crise existentie­lle. Le sens du dialogue de Bourguigno­n, sa combativit­é et ses «grandes qualités humaines», dixit son ancien ministre de tutelle Olivier Véran, ne seront pas de trop pour déminer ces enjeux-là.

Spécialist­e du grand âge, Bourguigno­n est moins capée sur d’autres dossiers brûlants.

Ambitieux. Abad, lui, obtient le ministère des Solidarité­s, de l’Autonomie et des Personnes handicapée­s. Une belle prise pour la majorité, même si le député sortant de l’Ain s’est vu pousser à la porte des LR la veille de sa nomination. A 42 ans, son revirement n’a surpris personne: le renégat a quitté le centriste Hervé Morin en 2009 pour rejoindre l’UMP, avant de lâcher Sarkozy pour soutenir Le Maire lors de la primaire de droite en 2016. Compétitif, fan de sport, c’est un ambitieux. Atteint d’arthrogryp­ose, une maladie rare qui bloque ses articulati­ons, il a été la première personne en situation de handicap lourd à être élu député, à 32 ans.

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Brigitte Bourguigno­n (ici en juillet 2020) prend

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