Pour la Santé, transfuges et traquenards
L’ancienne du PS Brigitte Bourguignon et l’ex-président du groupe LR à l’Assemblée Damien Abad s’engagent sur un chemin particulièrement ardu.
Jeu de chaises musicales avenue de Ségur. C’est à sa ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, qu’Olivier Véran cède son fauteuil au ministère de la Santé et de la Prévention. Une promotion de nature à conforter l’aile gauche de la macronie. Comme son prédécesseur, Bourguignon est une transfuge du Parti socialiste. Elue en 2012 députée du Pas-de-Calais sous l’étiquette PS, elle avait rallié Macron entre les deux tours de la présidentielle de 2017. La «militante du social» avait toutefois continué de revendiquer sa sensibilité politique : elle a été la première à regretter que le gouvernement d’Edouard Philippe oublie «la jambe sociale» du projet du candidat d’En marche… Depuis son entrée dans le gouvernement Castex en juillet 2020, l’ex-députée s’est pourtant faite discrète. Question de circonstances, la gestion de l’épidémie de Covid focalisant l’attention. Faute surtout d’avoir obtenu le feu vert de l’Elysée pour mener à bien le chantier qui lui tient à coeur. Car Bourguignon, qui espérait porter la «grande réforme sociale du quinquennat», cette loi sur la «dépendance» promise par Emmanuel Macron en juillet 2018, a dû baisser pavillon. «Le grand âge est le sujet de l’après-crise», admettait en février l’ex-présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
Caution. Le second quinquennat rebat les cartes. En novembre, Macron n’avait pas caché sa volonté de coupler réforme des retraites et enjeux du vieillissement de la population. Désormais à l’agenda, la réforme des retraites, d’inspiration budgétaire, risque de liguer toutes les oppositions contre elle. L’assortir d’un volet grand âge, plus social et sociétal, serait un moyen d’aplanir les résistances. A 63 ans, la nouvelle ministre de la Santé, qui connaît le dossier sur le bout des doigts, serait alors appelée à jouer un rôle de premier plan. Ancienne secrétaire médicale qui «n’a pas appris le social dans les bouquins», comme elle le rappelle volontiers, Bourguignon donnerait au passage une caution de gauche au dispositif.
Mais, si elle sert l’objectif prioritaire de l’exécutif, la promotion de Bourguignon pourrait créer de sévères effets de bord. Spécialiste des questions relatives à la dépendance des personnes âgées, elle est en revanche moins capée sur les dossiers brûlants et bourrés de chausse-trappes qui s’accumulent sur son nouveau bureau. C’est vrai de la refonte nécessaire de l’organisation du système de santé dans un contexte de difficulté croissante de la population à accéder à l’offre de soins de premier recours. Cela l’est aussi de la réforme de l’hôpital public, en pleine crise existentielle. Le sens du dialogue de Bourguignon, sa combativité et ses «grandes qualités humaines», dixit son ancien ministre de tutelle Olivier Véran, ne seront pas de trop pour déminer ces enjeux-là.
Spécialiste du grand âge, Bourguignon est moins capée sur d’autres dossiers brûlants.
Ambitieux. Abad, lui, obtient le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Une belle prise pour la majorité, même si le député sortant de l’Ain s’est vu pousser à la porte des LR la veille de sa nomination. A 42 ans, son revirement n’a surpris personne: le renégat a quitté le centriste Hervé Morin en 2009 pour rejoindre l’UMP, avant de lâcher Sarkozy pour soutenir Le Maire lors de la primaire de droite en 2016. Compétitif, fan de sport, c’est un ambitieux. Atteint d’arthrogrypose, une maladie rare qui bloque ses articulations, il a été la première personne en situation de handicap lourd à être élu député, à 32 ans.