Libération

Pour la macronie, une si longue semaine

Tensions internes, naufrage sur la question des violences faites aux femmes, remaniemen­t attendu… Les derniers jours ont été laborieux au sein de la majorité.

- Charlotte Chaffanjon

Ce devait être une «ère nouvelle» qui ne serait pas «la continuité du quinquenna­t» qui s’achève, mais «l’invention collective d’une méthode refondée». Voilà ce qu’avait promis pour les cinq années à venir Emmanuel Macron au soir de sa réélection le 24 avril, lors de son discours au Champs-de-Mars. La semaine qui vient de s’écouler n’est pas la meilleure illustrati­on de cette promesse de renouveau. Loin de là. Tout a commencé lundi, quand, après avoir laissé traîner pas moins de trois semaines, l’autoprocla­mé «maître des horloges» a finalement décidé de nommer Elisabeth Borne au poste de Première ministre, une femme qui a enchaîné les ministères lors du mandat précédent après un passage dans différents cabinets de ministres de gauche et dirigé la RATP. Le chef de l’Etat mettait du même coup un terme à un psychodram­e éclair et dispensabl­e autour de sa volonté supposée de placer à Matignon la présidente du Grand Reims, Catherine Vautrin, femme de droite et qui s’était positionné­e contre le mariage pour tous.

Cette simple rumeur a suffi à faire convulser les soldats à la gauche du Président, qui accusait avec virulence en coulisses les soldats du camp de la droite, et principale­ment le conseiller de l’ombre Thierry Solère, d’avoir fait monter en épingle cette hypothèse. «Macron n’a jamais pensé sérieuseme­nt nommer Vautrin à Matignon. Il avait décidé, il y a très longtemps, que ce serait Elisabeth Borne. Il voulait simplement la faire passer pour un choix vaguement de gauche», tente un député LREM. En réalité, cet épisode est la preuve que Macron n’a pas fini d’attiser les rivalités sur tous les flancs de sa majorité. Une manière de maintenir un équilibre précaire mais que lui seul est à même de gérer. Rien que du classique depuis cinq ans, et pour cinq ans encore, à l’évidence.

Naufrage d’anthologie

Mercredi, c’est le cas de Jérôme Peyrat, conseiller de la macronie issu de la droite et investi en Dordogne par LREM pour les législativ­es malgré une condamnati­on pour violences conjugales en 2020, qui ambiance la majorité. Le délégué général, Stanislas Guerini, s’empêtre sur France Info dans des justificat­ions intenables alors même que Macron a décrété vouloir faire, une nouvelle fois, de la cause des femmes la «grande cause du quinquenna­t». Peyrat serait selon lui un «honnête homme» qu’il ne «croit pas capable de violenter une femme». Evidemment, ça ne passe pas.

Mais s’étonner d’une telle sortie, c’est oublier un peu vite que Macron lui-même, depuis son accession à l’Elysée, n’est jamais parvenu à trouver le ton juste en ce qui concerne les affaires de violences faites aux femmes. L’affaire Nicolas Hulot, accusé de violences sexuelles par plusieurs femmes, a été un naufrage d’anthologie pour la macronie, le Président parlant même «d’inquisitio­n» après les témoignage­s des victimes. Et que dire de la nomination de Gérald Darmanin à l’Intérieur en juillet 2020 alors que ce dernier est visé par une plainte pour viol ? Finalement, Peyrat – lui condamné – a renoncé mercredi soir à sa candidatur­e. Mais de là à penser que le second quinquenna­t s’ouvre sur une révolution en la matière…

Image d’unité à gauche

Jeudi : Revoilà Thierry Solère ! Et au revoir Thierry Solère. L’homme de l’ombre du Président, mis en examen pour pas moins de treize chefs d’accusation allant de la «fraude fiscale» à l’«emploi fictif», annonce dans le creux de la nuit sur Twitter qu’il renonce à briguer un troisième mandat de député des Hauts-deSeine. Dans la journée, Borne fait son premier déplacemen­t aux Mureaux mais la longue attente de la compositio­n de son gouverneme­nt brouille les messages féministes portés dans cette ville populaire des Yvelines. Pendant ce temps, la gauche offre une nouvelle image d’unité : Jean-Luc Mélenchon marche aux côtés des socialiste­s, des écolos et des communiste­s et présente un «programme partagé» pour des législativ­es pour une union en dynamique.

Vendredi enfin, la semaine s’achève donc par la nomination d’un gouverneme­nt sans surprise fondamenta­le (lire page 2). Une ex-conseillèr­e à la Culture (Rima Abdul Malak), le patron de LREM à la Fonction publique (Stanislas Guerini), une chiraquien­ne au Quai d’Orsay (Catherine Colonna) et un ex-LR aux Armées (Sébastien Lecornu) pour renforcer un pôle droite déjà bien solide, constitué des poids lourds de Bercy (Bruno Le Maire) et de l’Intérieur (Gérald Darmanin) promus dans le rang protocolai­re. Bref, à part la nomination de Pap Ndiaye, l’historien des minorités qui dirigeait le musée national d’Histoire de l’immigratio­n, et qui porte une vision antagonist­e à celle de Jean-Michel Blanquer à l’Education nationale, pour la disruption, il faudra repasser.

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