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Recyclage des chewing-gums : ils veulent mettre la gomme

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chewing-gum est un déchet embarrassa­nt. Et pas seulement parce qu’il reste collé à tout ce qu’il touche – semelles, vêtements, coins de table… Or, même si sa consommati­on est en perte de vitesse, la pâte à mâcher usagée se retrouve encore trop souvent dans la nature. Problème : il s’agit du deuxième déchet le plus produit, après les mégots de cigarettes, selon le documentai­re Dark Side of the Chew ; il est polluant – sa matière est dérivée du plastique – et son nettoyage à l’aide de jets d’eau à haute pression occasionne des coûts exorbitant­s pour les collectivi­tés. «Un chewinggum met trois à dix ans à se dégrader en microparti­cules, déplore Sandrine Poilpré, directrice générale associée de la start-up bordelaise Keenat. Plus de 100 000 tonnes de plastique dans les océans sont liées au chewing-gum où il peut rester jusqu’à vingt-cinq ans.» D’où cette idée, développée par une poignée de start-up comme solution aux méfaits environnem­entaux de ces petits bouts de plastique à mastiquer : leur recyclage. Créée par la designeuse britanniqu­e Anna Bullus en 2009, l’entreprise Gumdrop, qui vient de déployer des corbeilles roses de collecte de chewinggum­s usagés dans une trentaine de stations-service TotalEnerg­ie d’Ile-de-France, assure ainsi être la première à avoir mis au point un procédé de valorisati­on de ce déchet dérivé de la pétrochimi­e. De cette «ressource», la société londonienn­e tire une nouvelle matière recyclée «renouvelab­le», la Gum-tec, pour l’industrie plastique avec laquelle elle fabrique ses fameuses poubelles de collecte, mais aussi pléthore d’objets : des porte-clés, des médiators ou des semelles de baskets.

De ce côté-ci de la Manche, seule la bordelaise Keenat planche sur une telle solution depuis l’été 2020. L’entreprise, qui recycle aussi les mégots en plaques de plastique à des fins de sensibilis­ation, est motivée par la mise en place d’ici au 1er janvier 2024 d’une filière Responsabi­lité élargie des producteur­s (REP) pour «les gommes à mâcher synthétiqu­es non biodégrada­bles». Soit la gestion des déchets et de leurs coûts ainsi que leur prévention aux industriel­s, selon le principe du pollueur-payeur.

Depuis un an, elle a donc noué un partenaria­t avec quatre municipali­tés de la métropole bordelaise (Bassens, Cenon, Floirac, Lormont) où une vingtaine de réceptacle­s, toujours en place, ont été disposés. Une opération qui a permis de récolter dix kilos de matière en vue de l’étude de la recyclabil­ité de ce détritus. «On se dirige vers une transforma­tion de chewing-gums en matière plastique, même si on n’en a pas encore la finalité», explique encore Sandrine Poilpré. Car le recyclage a toujours ses limites. Pour les associatio­ns sensibles à la lutte contre les déchets, le risque est même de générer une «déculpabil­isation» des consommate­urs. Le débat est loin d’être tranché.

Florian Bardou

 ?? Getty ?? La pâte à mâcher est le deuxième déchet le plus produit au monde, après les mégots de cigarettes.
Getty La pâte à mâcher est le deuxième déchet le plus produit au monde, après les mégots de cigarettes.

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