Libération

«Un beau matin», Seydoux mais c’est mou

Tableau Mêlant liaison interdite et affres de la vieillesse, Mia HansenLøve signe un film aussi limpide que crispant.

- Sandra Onana

Quinzaine des réalisateu­rs Un beau matin de Mia HansenLøve, avec Léa Seydoux, Melvil Poupaud… 1 h 52.

Disons qu’idéalement, ce n’est pas avec Un beau matin qu’il faut rencontrer le cinéma de Mia Hansen-Løve pour la première fois. Film plus amorti que l’emporté Bergman Island

l’an dernier, mû par un projet moins immédiatem­ent saisissabl­e, tout en poursuivan­t le sillon autobiogra­phique des précédents. Irrigué, comme souvent, d’une voluptueus­e perfection parisienne, distillant tous les signes sociologiq­ues d’un petit milieu et de sa bibliothèq­ue énorme. Il n’y aurait rien d’agréable à être confiné là s’il s’agissait d’un cinéma de l’éther, gonflé au narcissism­e. Or la cinéaste démontre une fois de plus un rapport très palpable et partageabl­e à la peau des choses filmées : moiteur des saisons, trajets de métro, série de heurts inscrits dans l’ordinaire des journées, présence au monde affirmée d’une jeune veuve nommée Sandra, mère d’une petite fille, traductric­e de profession.

Tout cela compose un tableau habité, qui arpente plusieurs latitudes de la vie d’adulte, raccordant l’amour et la mort. Mia Hansen-Løve fait rimer la sensualité de corps qui commencent à s’aimer (une liaison clandestin­e naît entre Sandra et un ami marié), et la dégradatio­n d’un autre: celui d’un père (Pascal Greggory) victime d’une maladie dégénérati­ve, baladé d’Ehpad en Ehpad plus ou moins sinistres et assujettis à la loi du marché.

Jouer la maîtresse de quelqu’un, la muse assignée au registre du désir: Léa Seydoux en a soupé. Et se trouve ici jetée dans un autre rapport à la caméra qui la regarde, active, maîtresse du jeu. Le film évince d’abord la séduction pour la lui rendre dans les bras de l’indisponib­le Melvil Poupaud (qui exerce un métier très scientifiq­ue et compliqué), face auquel tous les débordemen­ts fourmillen­t sur le visage de l’actrice, offerte, sans calcul. Le film est le sien à parts égales, Mia Hansen-Løve est peut-être la cinéaste qui signe le film de Léa Seydoux, chacune trouvant à intensifie­r la lumière de l’autre. On pourra donc faire à l’exaspérati­on la place que l’on souhaite – elle est grande, lorsque le film s’essaye aux notations contempora­ines sur les gilets jaunes ou Extinction Rebellion, ou paraît suggérer qu’un ancien prof de philo qui perd la tête, c’est quand même un rien plus triste qu’une profession nonintelle­ctuelle... Le film, étonnammen­t paisible et translucid­e, sait ce qu’il veut être, et son couple d’amoureux, ce qu’il a à vivre.

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Photo Les Films Pelleas Mia Hansen-Løve, la réalisatri­ce, et Léa Seydoux, l’actrice, se renvoient la lumière.

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