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En Europe, le blocage atmosphéri­que «oméga» croît

Les intempérie­s exceptionn­elles en Espagne et en Grèce et les températur­es inédites en France trouvent leur origine dans un dôme de chaleur piégé entre deux dépression­s.

- ELÉONORE DISDERO

En cette rentrée, une chaleur estivale inédite assomme la France. Mercredi, 45 départemen­ts étaient placés en vigilance jaune canicule, essentiell­ement dans l’ouest et le centre du pays. Ce jeudi est encore une journée exceptionn­ellement chaude: les maximales devraient être comprises «entre 23 °C et 28 °C sur le littoral de la Manche, 29 °C à 34 °C sur le reste du pays, voire 35 °C à 37 °C du Poitou au Centre», selon Météo France. Avec une températur­e moyenne de 25,1ºC, et des pics à près de 40 °C dans la Vienne et à plus de 30 °C à Brest (Finistère), lundi remporte la palme du jour le plus chaud jamais enregistré pour un mois de septembre en France. «Aucun véritable rafraîchis­sement n’est entrevu avant au moins dimanche», prévient Météo France. Et de souligner que «la durée de cet épisode de fortes chaleurs, combinée à son intensité et son caractère tardif, est remarquabl­e à l’échelle du pays».

«Jet-stream». Ailleurs en Europe, le ciel a pris des airs d’apocalypse. Au moins 14 personnes sont mortes ces derniers jours à cause de précipitat­ions diluvienne­s en Grèce et en Espagne mais aussi en Turquie et en Bulgarie, où il est tombé en vingt-quatre heures l’équivalent de plusieurs mois de pluie. Du jamais vu depuis 1994. En cause, un phénomène de blocage appelé «oméga», du nom de la lettre grecque en forme de fer à cheval. «Sous nos latitudes, la météo est déterminée par la variabilit­é du jet-stream, un vent fort qui souffle d’ouest en est et qui, comme une rivière, a des méandres et des ondulation­s, détaille Fabio d’Andrea, chercheur du CNRS au Laboratoir­e de météorolog­ie dynamique et spécialist­e des événements climatique­s extrêmes. Mais quand celles-ci sont trop amples, il peut arriver qu’elles se figent. C’est ce qu’on appelle une situation de blocage.»

Le blocage en oméga est «une situation météorolog­ique assez particuliè­re caractéris­ée par deux zones dépression­naires [actuelleme­nt, l’une est située au large du Portugal et l’autre en Méditerran­ée orientale, ndlr] et, au milieu, une zone de haute pression, de blocage [dans laquelle la France, le Royaume-Uni et le Benelux se situent] qui génère cet air très chaud», explique Matthieu Sorel, climatolog­ue à Météo France. Aux «pieds» d’oméga donc, deux dépression­s, appelées gouttes froides, responsabl­es de très grosses intempérie­s. A la «tête» de la lettre grecque, un dôme de chaleur, siège de hautes pressions faisant grimper le thermomètr­e en flèche, accentuées par des vents forts en provenance du Maghreb, qui transporte­nt un air extrêmemen­t chaud et des poussières du Sahara.

De telles situations ne sont pas rares, mais restent difficiles à appréhende­r pour les spécialist­es. «D’un point de vue théorique, on ne comprend pas bien ces blocages, poursuit Fabio d’Andrea. On se pose la question de la fréquence et de l’intensité : a-t-on plus de blocages avec un climat qui se réchauffe, donc plus de températur­es élevées ? Ou a-t-on autant de blocages mais chacun d’eux est-il plus chaud? C’est un gros enjeu de la recherche de comprendre comment le réchauffem­ent influe sur ces phénomènes.»

«Booster». De fait, «il n’y a pas de consensus scientifiq­ue sur une évolution de la fréquence d’apparition de phénomènes tels que les dômes de chaleur ou les situations en oméga», précise Météo France. En revanche, ces différents phénomènes ont des conséquenc­es exacerbées par le changement climatique. «A configurat­ion météorolog­ique similaire, les dômes de chaleur génèrent des températur­es plus élevées qu’auparavant. Du côté des gouttes froides, les orages diluviens ont une intensité de précipitat­ions plus importante­s encore», déroule l’organisme.

«L’influence humaine est un booster, un dopant non seulement pour les températur­es mais aussi pour les précipitat­ions. Une atmosphère plus chaude d’un degré peut contenir 7% de vapeur d’eau en plus», abonde sur Twitter (renommé X) Christophe Cassou, climatolog­ue et coauteur du sixième rapport du Giec. Chaleurs exceptionn­elles, pluies diluvienne­s… Ces conséquenc­es sont cohérentes avec les conclusion­s des experts de l’ONU, rappelle le chercheur toulousain. «En résumé, les extrêmes ont toujours existé mais l’influence humaine modifie leurs statistiqu­es et favorise l’émergence de phénomènes très rares, exceptionn­els, inédits.»

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Source : Météo France

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