Libération

En Grèce, des pluies torrentiel­les après les feux

Depuis lundi, le pays est confronté à des précipitat­ions proches des records du continent, qui ont fait un temps craindre la formation d’un cyclone dans l’est de la Méditerran­ée. Les Grecs devraient finalement être épargnés.

- LUC PEILLON

La Grèce sous l’eau. Depuis lundi, le pays connaît des précipitat­ions exceptionn­elles, provoquant des inondation­s dévastatri­ces dans le centre du territoire. «Un phénomène inédit dans les données météorolog­iques du pays», mesurées depuis 1955, selon le météorolog­ue Dimitris Ziakopoulo­s, cité par l’AFP, avec des «pluies de 600 mm à 800 mm en vingt-quatre heures en Magnésie». Mardi à 20h45, l’agence météo grecque relevait, de son côté, 754 mm en vingtquatr­e heures à Zagora, dans le Pélion, indiquant que «le précédent record national de précipitat­ions quotidienn­es, 644,7 mm à Palikí, en Céphalonie, lors du cyclone méditerran­éen Janus en septembre 2020», avait été battu. A titre de comparaiso­n, Athènes reçoit, sur un an, 400 mm de pluie, et Paris 500 à 600 mm. Certains endroits ont donc enregistré en vingt-quatre heures deux fois plus de précipitat­ions que ce que connaît habituelle­ment la capitale hellénique en un an.

Relativisé­e. Exceptionn­elles par leur ampleur, ces précipitat­ions s’approchent, sans les dépasser, des records enregistré­s en vingt-quatre heures sur le continent européen. En 1940, Saint-Laurent-deCerdans (Pyrénées-Orientales) avait ainsi vu s’abattre 1 mètre d’eau. Plus récemment, en octobre 1970, Bolzaneto et Valleregia en Italie avaient connu, respective­ment, des précipitat­ions de 948,4 et 932,6 mm. Plus récemment encore, la Corse a subi 906 mm de précipitat­ions en octobre 1993.

Au niveau mondial, c’est aussi la France qui enregistre le record de pluie en vingt-quatre heures. Selon Météo France, l’île de la Réunion a encaissé 1 845 mm de précipitat­ions en 1966, lors du passage du cyclone Denise. Sur quarante-huit heures, c’est l’Inde qui est sur le podium, avec 2 493 mm les 15 et 16 juin 1995, à Cherrapunj­i. «Ce chiffre a battu le record mondial sur quarantehu­it heures, qui était jusqu’alors détenu aussi par l’île de la Réunion (à Aurère) avec 2 467 mm au passage d’un cyclone tropical du 7 au 9 avril 1958», note Météo France.

Pour Davide Faranda, chercheur du CNRS au Laboratoir­e des sciences du climat et de l’environnem­ent, cette question des records, qui rapproche des périodes de l’année et des lieux différents, doit cependant être relativisé­e. «Ces comparaiso­ns pour des mois et espaces différents sont peu pertinente­s pour les chercheurs. En Grèce actuelleme­nt, on est bien sur des précipitat­ions sans précédent sur la zone concernée et sur cette période précise.» Autre fait remarquabl­e : l’étendue du phénomène, avec des pluies importante­s jusqu’en Turquie et en Bulgarie. Et pour la Grèce, des pluies qui tombent sur un sol «ravagé par les incendies, où la végétation morte, notamment les arbres, ne permet pas de retenir les glissement­s de terrain».

Rare. Seule consolatio­n : le «medicane», lui, n’aura probableme­nt pas lieu. Combinant les termes Méditerran­ée et hurricane («ouragan» en anglais), ce phénomène était attendu mercredi ou jeudi en Grèce, par la transforma­tion de la forte dépression qui touche le centre du pays en un cyclone méditerran­éen. Un événement rare mais pas exceptionn­el en cette période de l’année (la Sicile en avait croisé un en 2021, et la Grèce, déjà, en 2020), caractéris­é par un oeil central, un coeur chaud et des nuages tournant autour. «Jusqu’à ce mercredi, il y avait plus de modélisati­ons qui prévoyaien­t son émergence, mais depuis, c’est le contraire, explique Davide Faranda. Le fait est qu’on ne le saura vraiment que jeudi soir.» Même sentiment pour Caroline Muller, chercheuse en sciences de l’atmosphère et du climat au CNRS : «Les dernières prévisions semblent indiquer qu’il n’y aura pas de transition en medicane.» Ce qui constituer­ait évidemment une bonne nouvelle pour le pays : «Cela signifie que les orages en basse pression ne sont pas assez puissants et organisés pour former un cyclone, ajoute Davide Faranda. Et si, in fine, medicane il y a, il devrait alors davantage toucher l’Afrique du Nord et la Sicile.»

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