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Sous la chaleur, «les vignes meurent, c’est affolant»

Des températur­es records pour septembre frappent de plein fouet la viticultur­e. Dans l’Aude, la sécheresse «catastroph­ique» menace la survie des pieds, quand d’autres territoire­s craignent pour la qualité du vin après les vendanges.

- PAULINE MOULLOT

Les deux épisodes de chaleur intense successifs qui viennent de frapper la France ne devraient avoir que des conséquenc­es limitées sur la majorité des cultures, déjà récoltées ou quasiment à maturité. Mais la viticultur­e, elle, accuse le coup. «Les natures des aléas climatique­s se multiplien­t, leur récurrence aussi, et leur force est décuplée par rapport à ce qu’on connaissai­t il y a vingt ou trente ans», analyse Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendan­ts de France et viticulteu­r dans l’Aude. Dans le départemen­t où plus de deux tiers des exploitati­ons agricoles sont viticoles, la situation est «catastroph­ique», alerte Philippe Vergnes, président de la chambre d’agricultur­e de l’Aude et vigneron. En cause, une sécheresse exceptionn­elle et très localisée. «Dans ma commune, à Fitou, on a eu 150mm de pluies cumulées depuis le 1er mai 2022, donc en dix-sept mois. La pluviométr­ie dans le désert de Jordanie c’est 250 mm par an», insiste Jean-Marie Fabre.

Souches séchées

Alors que la vigne fait partie, avec les oliviers et les amandiers, des cultures les plus résistante­s au manque d’eau, cette pénurie n’a pas seulement entamé leur rendement : c’est la survie même de certains ceps qui est menacée, alertent les profession­nels. «On a vu des vignes qui meurent, je n’avais jamais vu ça, c’est affolant. La récolte est compromise pour l’avenir», s’inquiète Philippe Vergnes. «On a des souches qui ont complèteme­nt séché, qui sont mortes et devront être arrachées à l’automne», appuie Jean-Marie Fabre. Même s’il est encore trop tôt pour quantifier l’ampleur des dégâts, il estime pour ses parcelles une perte d’«au moins 40 ou 50 % de production par rapport à une année normale, comme l’année dernière. Mon vignoble sera-t-il encore un vignoble dans les années qui viennent ?». Dans le reste de la France, qui n’a pas été touché par la sécheresse, les fortes chaleurs risquent surtout d’altérer la qualité du vin en cette période de vendanges. «Quand un raisin est récolté et rentré dans le chai encore chaud, il s’oxyde plus vite et perd une partie de son potentiel aromatique», explique Jean-Marie Fabre. Pour y remédier, il faut récolter la nuit, quand les températur­es sont plus basses.

Mildiou et grêle

Sécheresse, chaleur, mais aussi épisodes de grêle et gel… Les aléas climatique­s sont devenus de plus en plus fréquents pour les agriculteu­rs. Dans le Bordelais, le mildiou attaque le vignoble. En Drôme et en Ardèche, un cinquième des surfaces de l’appellatio­n crozes-hermitage a été frappé par un épisode de grêle fin juillet. «Il y a plusieurs façons de répondre au dérèglemen­t climatique : dans le mode de conduite des cultures pour qu’elles soient moins dépendante­s en eau, ou dans la recherche, pour aller chercher des cépages qui vivent dans des régions encore plus contraigna­ntes. Mais il faut aussi anticiper : l’Etat doit changer son paradigme et ne plus intervenir quand il y a une urgence climatique, mais en amont», insiste Jean-Marie Fabre.

Les deux viticulteu­rs appellent ainsi au financemen­t d’ouvrages de stockage d’eau, comme les retenues collinaire­s, ces lacs artificiel­s emplis lors des fortes pluies. D’autres se lancent dans de nouvelles cultures, comme celles des amandes, résistante­s à la chaleur. Echaudés par l’année 2022, certains agriculteu­rs ont remplacé leurs champs de maïs, très sensibles au manque d’eau, par d’autres cultures : selon le ministère de l’Agricultur­e, les prévisions de production pour le tournesol ou la céréale sorgho sont en hausse en 2023.

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PHOTO CLOTAIRE ACHI. REUTERS A Valvignère­s, (Ardèche), le 23 août.

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