Les pauvres des territoires ruraux, talon d’Achille de la gauche
Si la gauche a progressé dans les territoires ruraux au fil du temps, son électorat s’est de nouveau urbanisé lors des tout derniers scrutins, tandis que les classes populaires du milieu rural se sont davantage tournées vers le bloc national-patriote. A mesure que la gauche a «perdu les ouvriers», un phénomène que les auteurs situent à partir des années 80 et 90 face à son «incapacité» à mettre fin au chômage de masse et à contrer la désindustrialisation, «les employés des services [les] ont pour partie remplacés au coeur de l’électorat de gauche».
Les auteurs observent aussi dans les décennies 90 et 2000 une forte présence de ce qu’ils appellent les «sociaux-diplômés» dans cet électorat, à savoir «les personnes ayant les revenus les moins élevés parmi les diplômés du supérieur», avec par exemple les infirmières et les professeurs des écoles. Julia Cagé et Thomas Piketty tirent toute une série de leçons pour l’avenir du bloc social-écologique. Se présenter en ordre dispersé rend le passage du premier tour compliqué, il lui faut donc «dépasser les contradictions actuelles qui opposent ses différentes composantes, tant d’un point de vue programmatique qu’organisationnel». Outre le fait d’aller chercher les abstentionnistes, ce bloc, s’il veut amplifier son score électoral, doit reconquérir les classes populaires rurales. Comment ? En défendant les services publics, mais aussi, et c’est plus surprenant, en soutenant «les aspirations populaires à la propriété individuelle». Il s’agirait là de redistribuer la propriété avec l’idée d’un héritage minimum. Sur ce point, assurent les auteurs, «le bloc de gauche dispose d’atouts bien supérieurs à ceux du RN, en particulier sur l’enjeu du financement de ces mesures et de la mise à contribution des plus riches».
Les économistes proposent de réfléchir à une «nouvelle plateforme ambitieuse de réduction des inégalités entre classes sociales et redistribution des richesses», en avançant déjà quelques pistes comme l’introduction dans la protection sociale de prélèvements reposant sur les plus hauts patrimoines (et pas uniquement sur les revenus) et des barèmes progressifs.