La «ruralisation» express du vote FN-RN
Les législatives de 1986 marquent «une étape décisive vers la tripartition de la vie politique française en trois blocs principaux, avec un bloc de gauche, un bloc de droite libérale et un bloc de droite nationale». En passant d’un vote de banlieues et de métropoles – soit un électorat très urbain – en 1986 à un vote de villages et de bourgs en 2022, la «ruralisation» du vote FN-RN ces dernières années est qualifiée d’«évolution spectaculaire et peu commune dans l’histoire électorale». Cette tendance s’accélère en 2012 après l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti d’extrême droite en se présentant comme la meilleure défenseuse des territoires et des périphéries abandonnées par les élites urbaines.
Autrement dit, alors que le vote FN à la fin des années 80 se concentre dans les communes ayant une forte proportion de personnes étrangères, le score de l’extrême droite s’avère de moins en moins corrélé à partir des années 2000 et 2010 à la présence d’étrangers, «à tel point que la relation disparaît presque complètement en 2017-2022». En résumé, expliquent Thomas Piketty et Julia Cagé : «Le vote FN-RN est passé d’un vote de conflit avec les immigrés proches géographiquement à un vote exprimant plutôt l’absence de tout contact avec des immigrés ou une certaine forme de ségrégation spatiale avec les immigrés.»
La montée en puissance du bloc de droite nationale-patriote ces dernières années –à savoir Les Républicains (LR), le Rassemblement national (RN) et Reconquête – n’empêche pas qu’il soit traversé par d’immenses contradictions, notamment du point de vue de la sociologie de leur électorat : «Le vote RN est un vote populaire alors que les votes LR et Reconquête représentent deux formes différentes de vote bourgeois.» A méditer pour tous ceux qui souhaiteraient se lancer à la conquête des Français se sentant abandonnés, socialement comme territorialement.