Libération

«La Hija…», rage de raison

Sombre et surréalist­e, le film de Laura Baumeister de Montis arpente les tragédies de la société nicaraguay­enne.

- Sandra Onana

D’abord, le brouillard. Le film s’ouvre sur une décharge dantesque où des enfants s’ébrouent, silhouette­s s’élançant une à une de la montagne de détritus comme si elle venait d’en accoucher. Dans ce capharnaüm à ciel ouvert, certains s’amusent à ramasser des bras ou jambes humaines, jouent avec des bouts de morts qu’une gamine esquive sans ciller, venue chercher là de quoi nourrir ses chiots. Toute une imagerie de la déchetteri­e, de la saleté, de petits êtres mis au rebut domine le premier film de la Nicaraguay­enne de 39 ans Laura Baumeister de Montis. Des bidonville­s aux hangars à ordures où on nettoie le plastique, la cinéaste examine, par les yeux d’une jeune héroïne au visage buté, les renoncemen­ts d’un pays dont on n’apercevra que la face putride, misérable au sens crasse et héroïque. L’amour a tout à y faire pour ne pas suffoquer. Celui que voue Maria à sa jeune mère, qui ne reviendra pas de la plantation où elle part un jour travailler, plane comme un fantôme de tendresse. C’est l’épopée d’une enfant qui refuse d’être abandonnée, et partira chercher sa mère. En français, la Hija de todas las rabias signifie «la fille de toutes les colères». Il s’agit du premier long de fiction produit et tourné au Nicaragua par une cinéaste du pays, qui y a effectivem­ent mis ses colères, mais aussi des rêveries surréalist­es : Alice au pays des merveilles, sans les merveilles.

La Hija de todas las rabias, de Laura Baumeister de Montis, avec Ara Alejandra Medal, Virginia Raquel Sevilla Garcia… 1 h30.

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