Affaire Julien Bayou : de la suspension à la démission
Visé par la plainte d’une ex-compagne l’accusant de «violences psychologiques», l’ex-patron d’EE-LV avait été mis en retrait de son parti début mars, mais pas de son groupe parlementaire. Il a quitté les deux mardi.
Julien Bayou claque la porte. Le député de Paris et ex-patron d’Europe Ecologie-les Verts, accusé de violences psychologiques par une ex-compagne, a décidé de démissionner de son parti et de son groupe parlementaire selon une information de l’Express dont Libération a eu confirmation mardi. La démission de l’ex-secrétaire national intervient dans la foulée du lancement d’un appel à témoignages lancé au sein du parti Les Ecologistes (exEE-LV). Dans un mail interne que Libé a pu consulter, l’actuelle secrétaire nationale, Marine Tondelier, explique à ses militants : «Au vu des éléments qui nous sont parvenus depuis [le 7 mars et la suspension à titre conservatoire de Bayou du parti], le bureau exécutif a décidé ce week-end de mandater un cabinet spécialiste des VSS [violences sexistes et sexuelles, ndlr], doté de compétences juridiques, qui a pour mission de réaliser une enquête et d’établir un rapport.» Cela, dans l’idée «d’objectiver les choses et de permettre aux personnes qui n’auraient pas parlé jusqu’à présent», en vue d’un conseil politique francilien prévu le 27 avril – la seule instance pouvant décider de sanctions envers un élu, selon les statuts écolos. Le processus permet également au député de se défendre, insiste-t-on du côté de la direction du parti. D’autant que cette dernière affirme avoir reçu de nouveaux témoignages depuis le dépôt de plainte.
«Jeu dégradant».
Mais Bayou ne le voit pas comme ça. Le cofondateur de Génération précaire reproche à son parti d’avoir diligenté une telle enquête externe. «Cet acharnement à mon encontre est déloyal et scandaleux. Ce procédé, qui me désigne comme coupable auprès de tout·e·s les adhérent·e·s, me discréditerait de manière irréversible tant auprès de mes adversaires que de mes partenaires politiques», écrit-il dans un mail que Libé a pu consulter. «Le courriel que vous vous apprêtez à rendre public constitue un appel pur et simple à la délation, et portera nécessairement atteinte à ma probité, mon honneur et ma considération. Il n’est pas question que je me prête à ce jeu dégradant», affirme-t-il également.
Julien Bayou avait annoncé le 7 mars qu’il se mettait en retrait de son groupe et de son parti, après une plainte déposée par son ex-compagne. Anaïs Leleux, qui reproche à l’écologiste des «violences psychologiques», a affirmé vouloir faire de cette affaire «le procès féministe du siècle». Auprès des Jours, elle avait annoncé avoir déposé plainte contre Bayou pour «harcèlement moral» et «abus frauduleux de l’état de faiblesse». «Je ne lui reproche pas une rupture ou des infidélités, comme j’ai pu le lire dans la presse. Ce sont des violences psychologiques qu’il m’a infligées. Il s’est acharné sur moi alors que j’étais au bout du rouleau», expliquait-elle. Cela en lui faisant notamment signer une convention de séparation, un protocole d’accord et un acte de vente de leur maison commune alors qu’elle était en détresse psychologique, un événement qu’elle dit avoir vécu comme un moyen de lui «mettre la tête sous l’eau». Suspendu à titre conservatoire par son parti, l’élu parisien avait tout fait pour ne pas être évincé de son groupe parlementaire la semaine dernière. Ainsi, il avait pour se défendre adressé un document de 12 pages à ses collègues. «Il est légitime que le groupe réagisse, écrivait-il à propos d’une suspension. Qu’on mette en retrait ou cesse de promouvoir une personne lourdement mise en cause c’est une chose. Mais entériner ce nouveau standard, c’est acter le principe que plainte ou simple accusation vaut sanction, que la culpabilité reste de mise même une fois la plainte jugée infondée et cela revient à fragiliser chaque député·e et /ou le groupe dans son ensemble.» Le député s’était au passage dit impatient «que l’enquête préliminaire permette de démontrer que [les] accusations [à son encontre] sont infondées».
«Grève militante». L’ancien patron des écolos avait alors eu gain de cause. Car, selon le règlement interne, une majorité qualifiée de 60 % des effectifs du groupe était nécessaire pour suspendre officiellement le député de Paris. Le score n’avait pas été atteint lors du scrutin. De quoi susciter une vague de critiques au sein du parti. «Inutile de vous dire, j’imagine, combien je suis déçue et en désaccord avec la décision prise par mon groupe parlementaire au sujet de Julien Bayou», avait alors écrit Sandrine Rousseau sur le réseau social X. Ce week-end, le Parisien révélait que plusieurs dizaines de membres du parti menaçaient la direction «d’une grève militante», tant que Bayou n’était pas suspendu.
L’affaire remonte à septembre 2022. A ce moment-là, Julien Bayou, alors patron du parti écologiste et coprésident du groupe à l’Assemblée, s’était déjà mis en retrait et avait dû quitter ses fonctions après de premières révélations de son ex-compagne dans un mail adressé deux mois plus tôt à la cellule interne d’EE-LV sur les violences sexistes et sexuelles. Sans que celles-ci ne soient, à l’époque, accompagnées d’une plainte et n’aient abouti sur quoi que ce soit. Le député était alors sorti petit à petit de sa mise en retrait, se sentant innocenté.