Libération

«Drive Away Dolls», laid concentré

D’un amateurism­e affligeant, le road-movie lesbien d’Ethan Coen est un long sketch pénible et anachroniq­ue.

- L.J.B.

Trois minutes de film et on a déjà envie de tout casser, en finir avec cette mascarade, fermer boutique, raser centre trente ans de cinéma pour construire un parking à la place. S’il existe une scène d’introducti­on plus abominable­ment nulle que celle de Drive-Away Dolls, qu’elle se fasse connaître : on la montrera dans un cirque. Pedro Pascal, un serveur, un tire-bouchon – on ne dira rien de plus. Chaque seconde est une épreuve, ça n’est drôle à aucun moment et tout le monde joue mal. Comment, après ça, consentir à s’infliger les quatre-vingts minutes restantes de ce road-movie lesbien où Margaret Qualley et Geraldine Viswanatha­n se retrouvent avec une bande de zigotos aux trousses à cause d’une mystérieus­e mallette entrée en leur possession ?

Une pochade de luxe, augmentée de guest-stars qui ont visiblemen­t bouclé leurs scènes entre deux taxis

(Matt Damon, Miley Cyrus) et qui donne l’impression de regarder l’interminab­le film de fin d’études d’un Tarantino de sous-préfecture. Personnage­s crispants, gags mous, lumière glabre : tout est laid, con et d’un amateurism­e à peine croyable.

Ça aurait dû s’appeler Foutraque : le film tant chaque scène, chaque dialogue évoque ce mot qui tire la langue, porte des chapeaux à clochettes et montre ses fesses aux passants – même si ici, c’est davantage les pénis qu’on montre, mais enfin on ne voudrait pas spoiler non plus. La déconfitur­e est d’autant plus douloureus­e qu’elle est signée Ethan Coen, preuve qu’on peut être l’original et faire cent fois pire que la plus vile des contrefaço­ns. On comprend mieux, en tout cas, pourquoi ce film, qu’il a écrit et mis sur pied avec son épouse Tricia Cooke, erre dans les enfers de la production depuis le début des années 2000. L’idée de départ avait pourtant de quoi séduire : fusionner le comic-book movie (dont Coen avait signé avec son frère Joel un des modèles, le génial Arizona Junior), la sexploitat­ion 60’s et l’humour trash des premiers John Waters. Le résultat manque sa cible d’un bon millier d’années-lumière : un long sketch pénible et anachroniq­ue dont le scénario se résume techniquem­ent à une trentaine de blagues sur les godemichet­s et à coté duquel nos Cocorico et Maison de Retraite 2 passent pour du Lubitsch grand millésime.

Drive Away Dolls d’Ethan Coen avec Margaret Qualley, Geraldine Viswanatha­n, Beanie Feldstein… 1 h 24.

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Photo Universal Pictures Chaque seconde de ce film est une épreuve.

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