Architecte
Il nous le dit d’emblée : «Sachez-le, je ne fais rien au hasard, j’attends le bon moment.» Et selon l’enquête que nous publions aujourd’hui, le bon moment pour Thierry Breton est généralement le plus mauvais moment pour quelqu’un d’autre. Exemple récent avec une phrase assassine («Malgré ses qualités») tweetée sur sa supérieure, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le jour même où elle présentait sa candidature à sa propre succession. Et un autre exemple, qui plane cette semaine sur les auditions de la mission d’information sénatoriale sur la débandade d’Atos, le fleuron français de l’informatique : Breton, qui en fut le dirigeant pendant dix ans d’acquisitions effrénées, a vendu toutes ses actions à son départ au prix de 65 euros, alors que le titre vaut 1,88 euro aujourd’hui. Ce bon moment a, lui, une valeur précise : 40 millions d’euros brut. Et comme ces péripéties pourraient intéresser de près le Sénat, qui songe à muter sa mission d’information en commission d’enquête, le prochain bon timing pour Breton pourrait être le paiement de sa retraite chapeau, gérée par Axa et dont nous dévoilons le fabuleux montant. Mais le commissaire européen au Marché intérieur («marché intérieur» étant, pour Thierry Breton, un euphémisme pour toute activité politique ou financière) n’y songe pas une seconde. Qui, à part lui, pourrait se vanter d’avoir fait plier Elon Musk et Mark Zuckerberg, d’avoir reçu des excuses du patron de Google, d’avoir menacé publiquement Pfizer et AstraZeneca, d’avoir devancé Washington sur la régulation de l’intelligence artificielle, bref, d’être l’un des rares commissaires à incarner la puissance de l’Europe ? Soutenu par Emmanuel Macron, il se rêverait plutôt comme successeur d’Ursula von der Leyen à la présidence. Posséder un impressionnant patrimoine immobilier, d’une fabuleuse demeure d’architecte à Montparnasse à la maison de Léopold Sédar Senghor qu’il a rachetée au Sénégal en passant par un loft new-yorkais, ne saurait empêcher un politique aussi déconcertant de bâtir aussi un château en Espagne. •