Libération

80e anniversai­re de la Libération : Macron lance les commémorat­ions

Le chef de l’Etat était dimanche en HauteSavoi­e et dans l’Ain pour faire vivre la mémoire de la Résistance et rappeler le souvenir de la rafle de 44 enfants juifs dans une colonie de vacances.

- Par Anne-Sophie Lechevalli­er Envoyée spéciale à Izieu (Ain) et Thônes (Haute-Savoie) Photo Albert Facelly

Des commémorat­ions de la Seconde Guerre mondiale sans aucune agitation. Dimanche, Emmanuel Macron s’est rendu à la nécropole nationale des Glières, sur le site de Morette à Thônes (Haute-Savoie), pour un hommage aux résistants tombés en 1944 sur ce plateau puis à la maison d’Izieu (Ain), pour se souvenir des 44 enfants raflés le 6 avril 1944 et déportés sur ordre de Klaus Barbie. Cette fois-ci, personne à éviter. Ni les gilets jaunes comme en 2019 lorsqu’il avait été une première fois sur ce plateau des Glières, accompagné de Nicolas Sarkozy. Ni les opposants à la réforme des retraites munis de casseroles, comme lorsque le Président s’était rendu au printemps dernier au mémorial de la prison de Montluc, où passèrent Jean Moulin ou les enfants d’Izieu. Il s’agissait alors du «premier temps du cycle de la renaissanc­e du pays», selon la terminolog­ie élyséenne, celui consacré à la Résistance, clos en février avec la panthéonis­ation de Missak et Mélinée Manouchian.

Aux Glières et à Izieu s’ouvre le «temps 2» de ce même «cycle», commémorat­ions de «tout ce que furent les combats pour la libération du territoire français, à la fois de l’occupant nazi, mais aussi du gouverneme­nt de Vichy», explique-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat. «Ce n’est pas au président de la République de donner des leçons d’histoire aux Français, ajoute-t-on. [son] rôle, c’est d’évoquer les figures, les événements qui nous permettent de constituer l’imaginaire qui est la pierre angulaire de ce qui nous constitue en tant que nation.» D’écrire ce que Macron, pas encore élu en 2017, avait théorisé comme le «récit national».

«Tragédie». Face aux 105 tombes de maquisards français, espagnols, autrichien­s…; devant un millier de personnes, pour la plupart des élèves des environs et des membres des associatio­ns mémorielle­s, devant les élus et le colonel Ivan Morel, le petitfils du lieutenant Tom Morel ayant guidé les maquisards sur ce plateau, devant la présidente de l’Assemblée, Yaël BraunPivet, et le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, tous deux venus avec lui de Paris, Macron a loué «l’esprit des Glières». Cet «idéal» que «nous n’oublions pas et serrons au creux de notre main» et qu’il définit ainsi : «Ouvriers, professeur­s, paysans, notables, juifs comme catholique­s, communiste­s, socialiste­s ou gaullistes, anarchiste­s et officiers, français et étrangers, unis dans le même combat face au nazisme, combat pour la liberté, combat universel qui est devenu celui de la France.» Des maquisards sur un plateau où «à 1400 mètres d’altitude, au-dessus d’ellemême, la France s’élevait», où il y avait une «fraternité universell­e jaillie au milieu de la division nationale», vécue lors de l’assaut du 26 mars 1944 auquel ont pris part des miliciens français et des groupes mobiles de réserve du régime de Vichy aux côtés des Nazis. «Des Français emprisonnè­rent des Français. Des Français assassinèr­ent des Français, dans la folie d’un pays qui ne formait plus une nation, et depuis trop d’années ne s’aimait plus lui-même», a considéré le chef de l’Etat. Et de déclarer : «C’est bien là notre tragédie française: qu’il n’y ait pas eu d’un côté les Français, de l’autre des nazis.»

Courage. Hormis quelques emplois du temps présent, Macron n’a dressé aucun parallèle explicite avec la situation actuelle: retour de la guerre en Europe et invasion de la Russie par l’Ukraine, sondages des européenne­s qui donnent l’extrême droite en tête en France ou guerre entre le Hamas et Israël. «Ici plus qu’ailleurs, le fait de célébrer la mémoire et rien que la mémoire est extrêmemen­t fort. Il y a un aspect sacré du plateau. Un point d’honneur est mis à ne pas politiser», explique le député Renaissanc­e de Haute-Savoie Antoine Armand. Cela n’a pourtant jamais empêché d’autres de le faire. Pour ce 80e anniversai­re à Glières, plus aucun résistant du plateau n’est encore vivant. Le dernier, Jean IsaacTresc­a est mort en 2022. A Izieu, en revanche, il reste quelques-uns de la soixantain­e d’enfants passés par cette maison ouverte en 1943 par le couple Miron et Sabine Zlatin et qui étaient repartis le jour de la rafle. Sept d’entre eux étaient présents dimanche dans la maison devenue mémorial en 1994. Et quatre ont longuement parlé à Macron : Samuel Pintel, Hélène Waysenson, Roger Wolman et Diane Fenster, venue pour l’occasion du Canada. Installés dans le réfectoire de cette bâtisse, à l’endroit même où leurs camarades ont été arrêtés, ils se racontent. Autour de la pièce, sont encadrés les dessins d’enfants retrouvés par Sabine Zlatin à la fin des années 80, le «trésor d’Izieu», conservé dans le cabinet des estampes de la Bibliothèq­ue nationale. Le Président écoute leurs histoires poignantes d’enfants juifs à travers une France occupée par les nazis. Tous mentionnen­t le rôle essentiel de Miron et Sabine Zlatin. Tous font le récit de leurs familles déchirées et décimées par les nazis. Des histoires de dénonciati­ons, de protection­s et de courage aussi parfois. Ces derniers survivants évoquent aussi le temps qu’ils passent à témoigner dans les écoles. Dans un dernier bain de foule, à Vuk, 14 ans, venu de Vaulx-en-Velin qui lui demande ce qu’il pense de la montée des extrêmes en France, le chef de l’Etat répond : «Ce que vous faites aujourd’hui en étant là permet de l’endiguer. C’est la perte de mémoire qui permet de faire revenir ces événements ou ces idéologies.» A condition, justement, que cette mémoire ne se perde pas. •

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Macron à Izieu, dimanche.

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