Libération

Contrôle technique : le cas des deux-roues en quatre questions

- Alexandre Bouyé (avec AFP)

Après des années de controvers­e et d’atermoieme­nts, le contrôle technique pour les deux-roues va finalement entrer en vigueur lundi.

Quels véhicules et quel prix ?

La mesure doit concerner 3 millions de véhicules, classés dans la «catégorie L»: motos, scooters, mais également tricycles électrique­s, quads, voiture ssans permis, speed bikes et side-cars. Spécificit­é française en Europe : les scooters de moins de 50 cm³ et les motos 125 cm³ devront également y passer. Priorité aux véhicules immatricul­és avant le 1er janvier 2017, qui devront s’y coller tout de suite. Le contrôle technique devra se faire tous les trois ans, contre deux pour les voitures. Côté prix, le gouverneme­nt évoque un contrôle à 50 euros pour une durée de 30 à 45 minutes. Mais les centres de contrôle peuvent fixer leurs propres prix. Le véritablem­ent coût devrait plutôt être entre 50 et 75 euros.

Qui s’y oppose ?

La mise en place de la mesure se fera trente-deux ans après celle du contrôle technique des voitures. Depuis toujours, les associatio­ns de motards et leurs deux puissantes fédération­s des motocyclis­tes (FFM) et des «motards en colère» (FFMC), s’y opposent, à travers manifestat­ions et actions coup de poing. De nouvelles sont prévues ces samedi et dimanche dans plusieurs villes. Au sein des parlementa­ires aussi, l’opposition s’organise. Ainsi, 27 députés de la majorité, dont le président de la commission des lois – et lui-même motard – Sacha Houlié, ont également demandé un «moratoire» dans une lettre au Conseil d’Etat du 23 février.

…et pourquoi ?

Les arguments des anti-contrôles n’ont pas beaucoup évolué en trois décennies. La mise en place du contrôle technique serait inutile face aux problémati­ques de sécurité routière et ne conduirait qu’à un surcoût pour les motards. Qui craignent aussi d’être forcés de faire réparer leurs machines, et potentiell­ement de devoir s’en séparer. Obligation­s qui s’appliquent aux automobili­stes. Dans leur lettre, les députés opposés au contrôle regrettent que «ces nouvelles normes vont, encore une fois, se traduire par une hausse du budget des ménages». Houlié a par ailleurs affirmé au média Contexte qu’«à titre personnel», il ne s’y «soumettrai­t pas». Une forme de désobéissa­nce civile, reprise en choeur par la FFMC. Sur son site, la fédération explique que la décision du Conseil d’Etat «renforce notre conviction à ne pas aller faire le contrôle technique car personne ne vous rembourser­a les dépenses inutilemen­t engagées si les décrets et arrêtés venaient à être abrogés.»

Pourquoi n’est-il toujours pas en place ?

Les fédération­s de motards ont pendant des années jouées le rôle de lobby. Elles avaient fait reculer le gouverneme­nt Fillon dès 2010, et marqué leur opposition en 2015 à la mesure du gouverneme­nt Valls de rendre nécessaire le contrôle en cas de revente. L’Assemblée et le Sénat avaient par ailleurs rejeté en 2012 une propositio­n de la Commission européenne d’intensifie­r les contrôles. En Europe, la France fait figure d’exception, alors qu’une directive de 2014 rendait obligatoir­e le contrôle technique sur les deux-roues en… 2022. En août 2021, la date limite s’approchant, un décret signé par Jean Castex, alors Premier ministre, avait tenté de faire appliquer la directive, mais Emmanuel Macron, craignant un mouvement de contestati­on en pleine période pandémique, avait suspendu la mesure. Un rétropédal­age acclamé par la FFMC et ses motards, vilipendé par les écologiste­s… et retoqué par le Conseil d’Etat en mai 2022, à la suite d’une réclamatio­n des associatio­ns Respire, Ras le scoot et Paris sans voiture. Mais encore une fois, le 26 juillet 2022, le gouverneme­nt reculait après une interventi­on des lobbys. Nouveau recours et nouveau revers pour l’exécutif en octobre 2022, dont la décision «de revenir sur l’applicatio­n du contrôle technique» est jugée «illégale». Début juin 2023, coup de pression : le Conseil d’Etat donnait deux mois à l’exécutif pour agir. Et a débouté, jeudi, le recours en urgence de la FFMC qui demandait une suspension du décret d’applicatio­n.

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