Série / «Fallout», apocalypse non
Dans une énième adaptation de jeu vidéo, Prime Video produit un récit de fin du monde déjà vu.
Le jeu vidéo serait-il le nouveau Subutex de Hollywood? Après des années de dépendance aux super-héros, les majors ont fait du jeu leur nouveau filon de «contenus» pop prémâchés. Les accueils critiques et populaires de The Last of Us, Super Mario Bros. et Uncharted légitimant la liste des adaptations en cours : Borderlands, Minecraft, Zelda, Gears of War côté ciné; God of War, Horizon, Tomb Raider et d’autres pour la télé. Premier gros coup de Prime dans le secteur, Fallout jouit de l’aura des classiques du jeu vidéo et intrigue par ses showrunners, Lisa Joy et Jonathan Nolan, les créateurs de Westworld Après la pluie d’ogives nucléaires sur Los Angeles qui ouvre la série et une ellipse de quelques centaines d’années, c’est à travers les yeux d’une jeune femme contrainte à l’exil hors de l’abri antiatomique qui l’a vue grandir que le nouvel ordre mondial se révèle à nous.
Un Far West peuplé d’ours mutants, de paladins en armure néo-rétro et de pauvres ères édentés qui se pressent dans une parodie de ville assemblée à partir de carcasses de Boeing. Au terme des quatre épisodes partagés par la plateforme, l’exil forcé de Lucy prend des airs de comédie violente, de western spaghetti allégé, avant de lorgner le buddy movie en flanquant un monstre de cynisme (Walton Goggins en goule centenaire revenue de tout) au côté de sa ménagère, pour mieux la délester de son idéalisme. Il faudrait y voir un éclairage sur la violence d’une Amérique qui rêve d’un âge d’or en s’entredévorant, ou sur l’incapacité de nos sociétés à faire exister des valeurs collectives, mais tout est si outré dans Fallout qu’il est difficile d’y trouver autre chose qu’une énième jouissance du spectacle de la fin du monde. De voir plus loin que les références agitées : Mad Max 2 pour le cadre, Je suis une légende pour la solitude du survivant, Leone et Peckinpah pour la violence et l’individualisme… C’est le grand piège des adaptations de jeu vidéo, média qui s’accommode très bien du déjà-vu, utilisé comme autant de balises pour mieux naviguer dans un récit à recomposer soi-même. Transposé à l’écran, le même matériau semble parfaitement inerte.