Libération

Jeu vidéo / «Dragon’s Dogma 2», l’épreuve du feu

La superprodu­ction de Capcom, parfois confuse mais graphiquem­ent riche, réussit un voyage de fantasy odysséen, exigeant la patience.

- Marius Chapuis

Dans la catégorie reine des superprodu­ctions du jeu vidéo de l’actionaven­ture en monde ouvert, Dragon’s Dogma 2 n’est ni le plus beau ni le plus accueillan­t. Pas tellement qu’il soit difficile d’accès, ou difficile tout court, mais c’est un jeu qui cultive un langage sibyllin, susceptibl­e de laisser le joueur interdit, incapable de déterminer exactement ce qu’il doit faire. La création des Japonais de Capcom ne se distingue pas davantage par son récit, énième conte chevaleres­que installant le joueur dans la position de l’Elu.

Embûches. Mal réglé, mal peaufiné techniquem­ent, le jeu réussit pourtant quelque chose d’assez rare : il offre dès sa première quête un avant-goût de ce qu’il fait mieux que les autres, en exigeant du joueur qu’il escorte un char à boeufs le long d’une route cheminant des montagnes du nord jusqu’aux murailles de la capitale. Un voyage semé d’embûches, long et périlleux qui se termine hors d’haleine, fébrile, par la recherche d’un havre de paix. Une déclaratio­n d’intention : jouer à Dragon’s Dogma 2, c’est s’embarquer dans une série de périples aux limites de ce que le personnage pourra endurer. Une expérience de marathonie­n. Un détour : le plus grand triomphe d’Ubisoft, par-delà les chiffres de vente, est d’avoir fixé à la fin des années 2000 un canevas autour duquel la plupart des jeux en monde ouvert se sont développés. Un espace proche du parc d’attraction­s où le joueur est perpétuell­ement entouré de sources d’excitation et se voit offrir la possibilit­é de passer d’un clin d’oeil d’une région à l’autre. Il suffit de s’y téléporter. Cette hypermobil­ité est devenue un standard, un dû. C’est précisémen­t cette relation que Dragon’s Dogma 2 vient briser. En refusant de se plier au «tout, tout de suite, tout le temps», en rendant le coût de la téléportat­ion si élevé qu’il en devient dissuasif, le jeu de Capcom déroute. Il exige des joueurs qu’ils laissent leur empresseme­nt à la porte et s’essaient à la patience. Le simple fait de courir a un coût, alors le joueur marche.

Dès lors, c’est tout le rapport au monde qui se transforme. Plutôt que d’engloutir les décors au rythme d’un Mission impossible, le joueur observe, est attentif, prend la mesure de l’environnem­ent. Et il est splendide. Graphiquem­ent d’abord –c’est peut-être le jeu avec les plus belles forêts, denses au point de dévorer la lumière du jour – mais aussi structurel­lement.

Epique. Bijou de design environnem­ental, le jeu construit, le long de sa grand-route, tout un réseau de sentiers et d’itinéraire­s bis dont l’existence n’est parfois que discrèteme­nt suggérée par l’éclairage. Le réseau sanguin qui fait battre le coeur de la création de Capcom. En dédommagem­ent du temps que le joueur accepte de lui confier, Dragon’s Dogma 2 offre un voyage aux proportion­s odysséenne­s, dont le souffle épique est relevé par d’innombrabl­es combats à dos de griffon ou de dragon. Etrangeté d’une production qui a englouti les millions de dollars mais qui ne se contente pas d’une transactio­n pécuniaire avec son joueur et ne le rétribue qu’à la hauteur de sa curiosité. Une audace toute japonaise : les deux autres grands jeux à avoir osé pareil geste s’appellent Zelda et Elden Ring.

Dragon’s Dogma 2 (Capcom) sur PC, PS5 et Xbox, 60 € env.

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Capcom Les innombrabl­es combats à dos de dragon donnent son souffle épique au jeu.

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