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Stone Roses Le bonheur est dans la rue

Disque incontourn­able de l’ère Madchester, le premier album des Stones Roses se pare d’une pochette qui n’a rien de britanniqu­e. Au programme, c’est plutôt Jackson Pollock et les rues de Paris en Mai 68.

- Benoît Carretier

Mai 68. En1988, à l’occasion du vingtième anniversai­re de Mai 68, la chaîne britanniqu­e Channel 4 s’était lancée dans un vaste programme de diffusion de documentai­res commémoran­t les émeutes et la paralysie du pays qui s’en était suivie. Scotchés devant leur écran, Ian Brown et John Squire, respective­ment chanteur et guitariste des Stones Roses – Squire étant également peintre et illustrate­ur –, n’en perdaient pas une miette. Eux qui étaient en pleine maturation du premier album de leur groupe avaient trouvé là une source d’inspiratio­n de premier plan, qui allait se matérialis­er dans les paroles de la chanson Bye Bye Badman, puis dans une toile homonyme peinte par John Squire, future pochette de l’album.

Les citrons. Pour comprendre la présence des citrons au centre de la pochette créée par John Squire, il faut connaître leur rôle dans l’histoire des événements de Mai 68. Lors d’un tour d’Europe en auto-stop, Ian Brown a croisé la route d’un Français, qui lui a expliqué que le citron était l’antidote au gaz lacrymogèn­e

Jackson Pollock. En cette fin des années 1980, John Squire est obsédé par le peintre expression­nisme abstrait Jackson Pollock et sa technique dite du «dripping», qu’il a découvert grâce aux Clash. Le groupe punk britanniqu­e adorait tellement Pollock qu’il aspergeait à sa manière leurs tenues de scène de peinture. John Squire, en fan du groupe, lisait tout ce qu’il pouvait sur le quatuor. Une photo de Paul Simonon par Pennie Smith, prise dans des loges au sol maculé de traînées de peinture à la manière des tableaux de Pollock l’avait marqué. C’est pour cela que les premiers singles du groupe comme Made of Stone étaient ornés de ses tentatives d’imitation du peintre américain. Pour la toile Bye Bye Badman, illustrant pour l’éternité ce chef-d’oeuvre de l’ère Madchester, John Squire s’est amusé à travailler des peintures qui n’allaient pas ensemble, essayant de recréer l’écume des vagues vertes se fracassant sur les rochers. Son idée de la révolution. utilisé par les étudiants. Après que le chanteur lui a raconté l’anecdote, John Squire, fasciné, se précipite au supermarch­é du coin, achète trois citrons. Il coupe trois belles tranches, les colle sur sa toile, ajoute trois flashs tricolores en rappel du drapeau français… et boucle sa thématique Mai 68.

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The Stone Roses (Silvertone, 1989)
The Stone Roses The Stone Roses (Silvertone, 1989)

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