Libération

Joël Dicker, fauve qui peut Braquage et tatouage à la suisse

- Par Thomas Stélandre

Alors, il est comment le nouveau Joël Dicker ? Sur les forums, les avis sont très tranchés. «Un chef-d’oeuvre» pour les uns, «une déception» pour les autres (on a même relevé ce commentair­e assassin : «Ecrit avec les pieds par un collégien. Remboursé !»). Pour notre part, en se mettant dans le bain comme dans un film d’avion, on y a retrouvé les mêmes ingrédient­s que de coutume : gros clichés, grosses ficelles et gros teasing à la fin de quasi chaque chapitre (le premier : «Mais dans exactement vingt jours sa vie allait basculer», le troisième : «C’est ce qu’il croyait», le cinquième : «Greg se lança à sa poursuite», etc.). Si le polar se démarque de sa routine, c’est plus thématique­ment : ici pas de meurtre (mais un braquage à Genève, ça change), une intrigue plus centrée sur la vie de couple (qui trompe qui, ça change moins) et surtout, surtout, pas mal de scènes un peu olé olé façon 50 Shades of Grey. Après le glaçant l’Affaire Alaska Sanders, Un animal sauvage explore, lectrices, lecteurs, la part d’animalité en chacun de vous.

1 Que fait

Sophie avec ces menottes ?

C’est l’histoire de deux couples : Greg et Karine (classe moyenne), Arpad et Sophie (plus cossu). Greg et Karine habitent dans un lotissemen­t, s’engueulent et craignent de passer pour des «ploucs». Arpad et Sophie (qui cache un tatouage de panthère sur sa cuisse) vivent, eux, dans un «grand cube» à proximité. «Un couple heureux. Amoureux. Un couple parfait. En apparence.» Greg devient «obsédé» par Sophie et l’observe avec ses jumelles de superflic le matin très tôt, en prétextant qu’il sort le chien. La maison étant en verre, on voit tout comme dans un thriller érotique des années 90 : mais que fait Sophie avec ces menottes ? La voisine est décidément «sexy en diable» – alors que Karine ne met même pas de vernis sur ses ongles de pieds. En parallèle, il y a donc un braquage, avec moult flash-back à SaintTrope­z et en Toscane (jusqu’en 1912).

2 Qui n’a pas

de plan ?

Joël Dicker est «un phénomène éditorial dans le monde entier», lit-on au dos (l’auteur suisse est publié par Rosie & Wolfe, maison dont il est lui-même le «patron», ce qui offre probableme­nt de valider la quatrième de couverture). Serait-ce lui, l’animal sauvage ? Dicker a la particular­ité d’écrire, il le répète souvent, sans faire de plan. En conséquenc­e et dans l’idéal, une expérience de lecture volontiers participat­ive, type «livre dont vous êtes le héros». Au début, ça marche plutôt bien, mais objectivem­ent ça rame dans la deuxième moitié. Ainsi les questions s’accumulent : «Que ferait-il ensuite pour sauver son couple? Comment se débarrasse­rait-il de Fauve ? Il n’en savait encore rien.» Il y a un côté le Magnifique (le film de Philippe de Broca avec Belmondo) chez Joël Dicker, sans que la parodie soit tout à fait recherchée.

Comment retomber sur ses pieds ?

3

C’est tout l’enjeu, et plus c’est gros plus ça passe. Sophie est une «panthère», mais c’est aussi «un caméléon». Elle n’a pas fini de vous surprendre. Karine, à côté, paraît plus terne. Elle a pourtant du répondant. Greg : «Enfin, Karine, ne le prends pas comme ça ! L’implora-t-il. C’est une grosse opération !» Et elle, du tac au tac : «Et toi, t’es un gros con !» •

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Un animal sauvage Rosie & Wolfe, 400 pp., 23 € (ebook : 16,99 €).
Joël Dicker Un animal sauvage Rosie & Wolfe, 400 pp., 23 € (ebook : 16,99 €).
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Photo Serge Picard. Agence VU Joël Dicker à Paris, en 2018.

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