Libération

«La guiche, je trouve ça sublime car très intime»

Julien, Parisien de 46 ans, est percé entre les bourses et l’anus.

- Recueilli par F.Ba.

«Les oreilles percées ça a été une première entrée en matière quand j’étais gamin. J’ai eu une boucle au lobe pendant des années et, plus récemment, j’en ai rajouté une autre. Il y a quelques années de ça, je me suis aussi fait percer le haut de l’oreille gauche, dans le cartilage parce qu’un pote avait ce genre de piercing et parce que j’aime bien les bijoux qui trouent la peau. Or ce même pote, qui travaillai­t dans un sex-shop à l’époque, portait aussi une guiche. C’est un piercing du périnée, entre les bourses et l’anus, que je trouve sublime car il est très intime. Mais pour moi, il n’a pas de connotatio­n sexuelle. C’est très décoratif et j’ai décidé de m’en faire un. C’était il y a treize ans.

«Je l’ai fait de manière un peu sauvage. J’ai pris rendezvous chez Abraxas dans le Marais. Or deux heures après j’avais un train pour passer un week-end entier avec des copines. Je n’avais pas pris la mesure qu’avoir un truc entre les jambes pouvait se révéler être un calvaire pour cavaler. Je n’avais pas non plus imaginé la douleur que ça pouvait créer. Mais j’ai fait bonne figure. La cicatrisat­ion a duré des mois et des mois. D’autant que j’ai pas à pas stretché [étiré, ndlr] le piercing jusqu’au point où je ne pouvais pas avoir plus gros que ce qui existe sur le marché, soit l’équivalent d’un petit anneau de rideau. Je suis arrivé au summum du truc : c’est très lourd et ça pèse quelques centaines de grammes. Or je suis aussi cycliste invétéré. Ce qui fait que je suis obligé de retirer ma guiche régulièrem­ent lorsque je prends mon vélo. Donc je cherche des bijoux plus légers, mais du même gabarit afin de le porter en permanence et ne pas avoir à l’enlever.

«Je n’aime pas être dans le commun. Un prince Albert [piercing du gland] par exemple, je trouve ça très joli. Mais pour moi ce n’est pas suffisant: je cherche le piercing ultime qui met beaucoup de temps à cicatriser, comme la «croix magique», qui est une combinaiso­n d’un ampallang qui traverse horizontal­ement le gland et d’un apadravya, qui le traverse verticalem­ent. Dans le Kamasutra par exemple, ça apporte aussi une stimulatio­n sexuelle. En fait, je considère que la douleur participe du plaisir. Je sais que le gland est très irrigué et très sensible pour un homme. Ce serait donc un juste milieu entre souffrance et plaisir. «Je considère aussi que le côté ornemental du piercing apporte un petit plus au corps. C’est remarquabl­e mais pas ostentatoi­re non plus. La guiche, c’est aussi partager un bout de son intimité avec quelqu’un. Elle n’est pas visible, l’offrir est donc un privilège. Avec les piercings, tu fais partie d’une famille, une communauté où la transforma­tion corporelle avec tout ce qu’elle engendre est du domaine du rite initiatiqu­e. Personnell­ement, ça m’a transformé. Ça a renforcé mon estime personnell­e, ça a affirmé quelque chose de l’ordre du pas de côté que j’apprécie vraiment. C’est enfin ludique, mais je n’ai pas la volonté de les multiplier, contrairem­ent aux tatouages. Demain j’en serai à mon vingtième et j’ai pas l’intention d’arrêter.»

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