Dix ans du Womanizer: tout ce à quoi on aspire
En deux ans, tu ne m’avais jamais fait défaut. Fidèle, efficace, incroyablement puissant. Discret, infaillible, limite magique. Dimanche, j’avais envie qu’on s’octroie un moment ensemble. Meilleure manière, songeai-je, de contrer la mélancolie des fins de week-ends pluvieux. Se produit alors l’impensable : le coup de la panne. T’avais-je à ce point sollicité ? Surestimé, au point d’omettre tes besoins primaires ? Bien sûr, tu as parfois besoin de recharger tes batteries… Depuis que tu as débarqué un soir d’hiver 2022, tout droit livré par de bonnes fées pour un anniversaire de fin de trentaine, j’ai réalisé à quel point tu as su t’imposer dans ma vie (et, depuis ta création il y a dix ans, dans celle de 10 millions de femmes à travers le monde, signe que tu portes bien ton nom qu’on pourrait traduire par «coureur de jupons»). Je l’ai reçu au milieu d’autres offrandes, et en présence de tous mes convives.
Comme une affirmation bravache, qui collait à la célibataire épanouie que j’étais alors. Avec toi dans les bras, je me revendiquais libre (libérée?) et indépendante, enfin munie de ce partenaire vanté en août 2021 en couverture de Society comme le «meilleur coup de l’année». J’y avais découvert, d’abord un brin lasse d’une énième injonction marketing à l’orgasme frénétique, les secrets de ta naissance, que l’on doit à Michael Lenke et son épouse, Brigitte.
Après des années de recherche et d’essais (saluons le dévouement de madame), enfin, quelqu’un allait commercialiser un sextoy qui ne ressemblerait pas à un chibre de plastique bigarré ou disproportionné et, surtout, dont les vertus reposent uniquement sur la stimulation clitoridienne. Le tout par une technique unique sans toucher, largement dupliquée depuis par d’autres marques, quelque part entre le petit aspirateur et la soufflerie délicate. Alors que le Haut Conseil à l’égalité, dans une étude de 2016, estimait qu’un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu’elles ont un clitoris, n’ayons pas peur de le dire : le Womanizer est révolutionnaire. Cela explique probablement son succès.
Les initiées n’hésitent plus à le recommander autour d’elles, dans une bienveillante connivence, une sororité jouissive. Signe d’une banalisation de la masturbation féminine, qui donnerait envie de paraphraser la devise inscrite sur le temple de Delphes : «Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux.»