Après l’offensive de Téhéran, Israël se cherche une riposte
Poussés par les Américains, les dirigeants israéliens ne se sont pas engagés dans une réponse directe à l’attaque iranienne, malgré les vifs débats au sein du cabinet de guerre de Nétanyahou.
L’establishment militaire israélien s’est félicité dimanche du succès de son opération de défense contre la riposte iranienne. Seul un missile a réussi à toucher sa cible, selon Tsahal, qui attend maintenant que l’échelon politique de l’Etat hébreu lui donne ses ordres de manoeuvre pour répondre à cette première attaque directe de l’Iran contre le territoire israélien.
Une riposte est inévitable, même si Téhéran a prévenu qu’elle entraînerait l’escalade. «Tsahal a plusieurs objectifs déjà établis, en Iran mais pas seulement, et les capacités militaires de les atteindre», assure Sima Shine, ancienne du Mossad, le renseignement israélien, et désormais directrice du pôle Iran à l’Institute of National Security Studies à l’université de Tel-Aviv. L’arsenal de l’Etat hébreu est plus important et plus sophistiqué que celui de son antagoniste, et de loin. «Par ailleurs, l’Iran a beaucoup investi dans l’offensif. Son système anti-aérien, s’il est meilleur que celui du Liban ou de la Syrie, n’est pas très bon», ajoute l’ancienne espionne.
Finesse calculée. L’Etat hébreu connaît le territoire iranien. Il est accusé d’y avoir mené plusieurs assassinats ciblés. Il est probable qu’Israël décide de frapper les installations militaires, en particulier celles associées au programme nucléaire. «La mort de civils iraniens sera difficile à avaler» pour les alliés occidentaux qui ont réaffirmé leur soutien à Israël, explique Yossi Kuperwasser, général à la retraite du renseignement militaire israélien. Sima Shine enjoint les dirigeants israéliens à «attendre et réfléchir». «Israël se doit de répondre, mais cela ne sera productif que si la coopération régionale qui s’est révélée pendant cette attaque est maintenue», dit la chercheuse. C’est l’argument des Américains, qui craignent une guerre ouverte et incontrôlable, et qui auraient convaincu les Israéliens de ne pas frapper l’Iran dans une riposte directe.
«Le système de coopération régionale que nous avons construit doit être renforcé, a dit Benny Gantz, une des forces moteur derrière la formation d’une alliance aérienne moyen-orientale en 2022. Et nous ferons payer le prix à l’Iran de la façon et au moment qui nous conviennent.» Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, s’en est fait l’écho pendant une visite au site des batteries Arrow3, chargées d’intercepter les missiles balistiques : «Nous avons l’opportunité d’établir une alliance stratégique contre l’Iran, qui menace de mettre des têtes nucléaires sur ces missiles.»
«Nous ne pouvons pas laisser ce dossier ouvert sans riposter, insiste Yossi Kuperwasser, mais pour éliminer le programme nucléaire iranien, la meilleure marche à suivre, c’est de soutenir un changement de régime.» Cette finesse calculée, cet art de la manipulation, ce retour triomphant dans le concert des nations devrait convenir au caractère et à la philosophie de Benyamin Nétanyahou. Mais les relations au sein du cabinet de guerre sont conflictuelles. «Si on avait retransmis les discussions de ces derniers jours, il y aurait quatre millions d’Israéliens à l’aéroport», a évoqué une source présente lors des réunions au journaliste israélien Ronen Bergman.
Imposer une gifle. Le chef du Likoud, Benyamin Nétanyahou, est sous la pression de l’aile dure de sa coalition d’extrême droite, qui demande une réponse forte, voire disproportionnée. Itamar Ben-Gvir, colon cramoisi reconverti dans la politique incendiaire et fournisseur de masse d’armes aux civils israéliens, s’est moqué des «slogans occidentaux naïfs» déployés par Benny Gantz: «Pour créer une réelle dissuasion, le propriétaire doit devenir fou.» Pour Yossi Kuperwasser, la meilleure façon d’imposer une gifle à l’Iran est «de finir le boulot à Gaza et ramener nos otages». Dimanche, l’association qui représente ces derniers a rappelé aux dirigeants que «le renseignement précis, les capacités stratégiques avancées et la coopération internationale qui ont prévenu de l’attaque aérienne la plus sérieuse de l’histoire israélienne, c’est ce qui a cruellement manqué le 7 octobre».
A Gaza, les opérations israéliennes ont repris, et rien ne porte à croire que cela se ralentira, après le refus du Hamas, samedi, de la dernière proposition de trêve. L’armée israélienne a annoncé le rappel de deux brigades de réservistes destinées à Gaza. A l’intérieur de l’enclave, l’aide humanitaire rentre un peu mieux mais le désespoir règne encore. Une rumeur selon laquelle Tsahal autorisait le retour des femmes et des enfants de moins de 14 ans vers le nord a jeté des milliers de personnes sur la route côtière. L’armée israélienne a tiré pour les arrêter, tuant cinq personnes, selon les autorités médicales dans la bande.