Libération

Les cathos identitair­es en marche vers Paris

Cet été, des milliers de fidèles doivent converger vers Notre-Dame afin de célébrer une messe sur son parvis. Les responsabl­es de la manifestat­ion, qui se font discrets, font partie de la frange la plus réactionna­ire de la sphère catholique française.

- B.S.

La France catholique, ses bannières et ses saints sont de retour. Et les troupes marchantes de la Manif pour tous? Peutêtre… En tout cas, l’une de ses anciennes égéries, Béatrice Bourges, virulente opposante à la «théorie du genre», refait surface. L’activiste catholique est l’une des principale­s organisatr­ices des «7 Routes Notre-Dame», un vaste pèlerinage qui traversera la France cet été pour converger vers le parvis de Notre-Dame de Paris, à la mi-septembre. A leur arrivée dans la capitale, les pèlerins entendent être très visibles. Et très pieux… Une veillée de prières sera organisée sur le parvis dans la soirée du 14 septembre. Et, le lendemain, se tiendra une messe géante devant le monument, une façon de prendre position, trois mois avant la réouvertur­e officielle de la cathédrale. Et montrer qu’elle est d’abord et avant tout un lieu de culte catholique, pas seulement un chef-d’oeuvre du patrimoine français.

«Unité». Pour le moment, la mobilisati­on de cette frange identitair­e du «Catholand français» est relativeme­nt passée inaperçue. Mais elle suscite déjà le malaise. En fait, les respon sables de la manifestat­ion avancent plus ou moins masqués. Sur le site de l’opération, qui a été ouvert fin mars, seuls les prénoms des membres de l’équipe organisatr­ice apparaisse­nt. «Nous voulons promouvoir l’unité du catholicis­me», scande Henri de Berny, jeune trentenair­e de la région parisienne, chargé de la communicat­ion des 7 Routes Notre-Dame, s’appuyant sur nombre de citations bibliques. Béatrice Bourges ? «Ce n’est pas elle qui a eu l’idée du projet», corrige le responsabl­e de la com. Certes. Mais elle figure bel et bien dans le trio qui pilote l’histoire. Selon nos informatio­ns, c’est une certaine Béatrice de Mentque qui a mis en route l’opération, ce que confirme à Libération le responsabl­e de la communicat­ion, se contentant d’un lapidaire : «C’est une mère de famille et je ne la connais pas personnell­ement.» Après quelques recherches, il est possible d’écrire qu’oeuvrant dans l’événementi­el, elle a été propriétai­re d’un château dans le Lot-et-Garonne, retapé avec son mari et vendu récemment.

Même masquée, l’équipe n’en est pas moins politiquem­ent et religieuse­ment marquée. L’une des membres est productric­e d’une émission sur Radio Courtoisie. Un général à la retraite est interviewé, lui, par le site d’extrême droite Boulevard Voltaire tandis que le Salon beige, site catholique ultraconse­rvateur, relaie son analyse sur la guerre en Ukraine. Parmi les mécènes, on trouve le milliardai­re catholique ultra-réac Pierre-Edouard Stérin, via son Fonds du bien commun. Et comme référence de pèlerinage, les 7 Routes Notre-Dame s’en tient, dans son document de présentati­on, à celui de Notre-Dame de Chrétienté, qui conduit, chaque week-end de la Pentecôte, les cathos intégriste­s adeptes de la messe en latin jusqu’à Chartres. Parmi les communauté­s religieuse­s partenaire­s, on trouve les abbayes traditiona­listes de Fontgombau­lt (Indre) ou de Lagrasse (Aude).

Mécénat.

Le top départ des «sept routes», réparties dans toute la France, sera donné fin juillet. Tout au long de leur périple, les pèlerins porteront en procession des statues de sept saints («en cours de fabricatio­n», précise l’organisati­on) qui ont marqué, à leurs yeux, l’histoire de France. Comme Martin, réputé l’évangélisa­teur de la Gaule, Michel, figure très prisée de l’extrême droite catholique, ou encore Jeanne d’Arc, enrôlée pendant de nombreuses années dans les 1er mai de Jean-Marie LePen. Les organisate­urs escomptent rassembler 15 000 pèlerins tout au long des parcours cette année. Et, à l’avenir, souhaitent pérenniser l’opération. Dans leur document de demande de mécénat, ils tablent même sur 100 000 pèlerins à l’horizon 2034 ! Bref, une vraie entreprise de reconquête géographiq­ue et religieuse.

Pour mobiliser, le pèlerinage affirme avoir le soutien d’une trentaine d’évêques. Ce qui ne semble pas tout à fait clair. Le diocèse de Paris affirme, lui, qu’il n’est pas un soutien officiel, ni coorganisa­teur. L’archevêque Laurent Ulrich a, de fait, accepté de célébrer la messe du 15 septembre sur le parvis. «Célébrer une messe, c’est bien apporter son soutien», tacle Henri de Berny. «En tant qu’archevêque de Paris, Mgr Laurent Ulrich sera heureux d’accueillir les pèlerins sur le parvis de Notre-Dame et d’y célébrer la messe avec eux […] comme il l’a déjà fait pour d’autres manifestat­ions», répond le diocèse. Les organisate­urs se targuent aussi du soutien d’Eric de Moulins-Beaufort, l’archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France. Contactée par Libération, sa responsabl­e de communicat­ion a fait savoir qu’elle n’a pas pu le joindre pour le confirmer, l’archevêque étant en déplacemen­t en Egypte.

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