«La Contemporaine», Nîmes s’anime
La cité gallo-romaine propose un nouveau rendez-vous triennal d’art contemporain avec des expositions-parcours à travers la ville, espérant ainsi s’imposer face à Arles ou Montpellier.
On l’a dit, peut-être pas assez, on fait toujours courir un risque à l’art quand il devient monnaie d’échange. Après Lyon, Nantes, Le Havre, Aix, c’est la ville de Nîmes qui a réclamé ce printemps sa manifestation d’art contemporain. Une triennale précisément, qui, tous les trois ans, devrait permettre à la cité gallo-romaine d’exister entre ses deux envahissants voisins: Montpellier, autoproclamée capitale d’une Californie à la française, et Arles, empire de Maja Hoffmann et de la fondation Luma qui gagne toujours plus de terrain. Il lui fallait donc son rendez-vous pour s’inscrire, selon les voeux de la sympathique élue à la Culture Sophie Roulle, dans «l’arc méditerranéen» et échapper à l’étiquette moins sympathique de plaque tournante de la drogue et son lot de règlements de compte sordides dont celui qui a récemment coûté la vie à un garçonnet, victime d’une balle perdue dans le quartier de Pissevin. Pissevin, c’est précisément là qu’a déménagé il y a deux ans un tout petit centre d’art téméraire, le CACN. Le parcours de la Contemporaine, la toute nouvelle triennale de Nîmes menée par le duo Anna Labouze et Keimis Henni (qui a oeuvré ces dernières années à la professionnalisation de la jeune scène française à travers les résidences Artagon) propose d’y faire un stop pour découvrir les travaux de jeunes artistes choisis par la revue Figure Figure. C’est là aussi que s’achèvera la triennale, le 22 juin, autour d’une grande kermesse populaire orchestrée par l’artiste Mohamed Bourouissa.
Mutants. Mais hormis cette sortie de route, la Contemporaine fait plutôt le choix de suivre les sillons désormais bien tracés des festivals d’art contemporain dont la fonction est d’irriguer la politique des villes moyennes : collaboration avec le tissu associatif et citoyen, production dans l’espace public et dérapage contrôlé au sein des différents musées caractérisant une identité propre à chaque ville. Ici, le Musée des cultures taurines où dialoguent un petit film d’anticipation d’Aïda Bruyère et les performances aux fumigènes de Judy Chicago, ou le Musée du vieux Nîmes, dans son jus, qui abrite la rencontre pas si fortuite de feu Pierre Soulages et de la précoce Jeanne Vicérial venue allonger quelques gisants mutants tissés de noir au pied du maître du clair-obscur. Au Musée de la romanité, la passerelle centrale sert de promontoire à l’histoire d’un empereur invisibilisé, car mort dans la fleur de l’âge, à qui Valentin Noujaïm, en collaboration avec Ali Cherri, redonne vie à travers une tragédie en trois actes. Avec le Carré d’art, pilier de la scène contemporaine locale qui a prêté pour l’occasion ses galeries latérales, tous ces musées tiennent dans un mouchoir de poche. Tout est fait pour faire de Nîmes un village Potemkine où les artistes, bons élèves, aident à faire diversion.
«Marraine». Ce qui ne les empêche toutefois pas de nous parler du monde comme il va, et parfois même de produire des formes. C’est le cas de la vidéo de June Balthazard qu’on dirait sortie de l’ArbreMonde, sidérant roman de Richard Powers dans lequel des militants écologistes s’enchaînent aux arbres. Ou du retour au bled filmé avec justesse par Rayane Mcirdi, auquel répondent les photos pâlottes d’Alassane Diawara qui attestent d’une permanence réconfortante de la jeunesse sous le regard bienveillant de sa «marraine», Zineb Sedira. Et c’est là sans doute la plus jolie idée de cette triennale, que d’organiser sur chaque site des mariages intergénérationnels entre artistes.
Contemporaine de Nîmes jusqu’au 23 juin. Rens. : Contemporainedenimes.com