Carafes, charbon, osmoseurs : beaucoup de battage pour le filtrage
Derrière les diverses solutions censées améliorer la qualité de l’eau potable, prisées des consommateurs méfiants, se trouvent surtout des produits ultra-marketés à l’efficacité contestable.
Quelle eau boire pour ne pas s’empoisonner ? Alertes sanitaires après alertes sanitaires, les consommateurs ont de quoi s’inquiéter. Ces dernières années, de plus en plus méfiants, des millions de Français se reportent sur des solutions de purification de l’eau potable. Passage en revue des solutions les plus populaires, avec le spécialiste en physico-chimie des eaux et traitement des eaux et professeur émérite à l’université de Poitiers Bernard Legube.
Les carafes filtrantes, gare à la cartouche
Ces systèmes de filtration ont désormais pignon sur rue. Mais remplissent-ils vraiment leurs promesses ? Prenons les carafes filtrantes, à l’image de la célèbre Brita, plébiscitées par 20% des foyers français, selon le Centre d’information sur l’eau. Leur principe est simple : à l’aide d’une cartouche de charbon actif, elles filtrent le chlore, le calcaire, le plomb, et pour certains modèles de filtres, les pesticides, les nitrates ou autres particules. Ce qui a le don premier d’améliorer le goût de l’eau.
En 2017, l’Anses mettait cependant en garde dans un avis contre les risques de contamination microbiologique dans ces carafes, notamment quand la cartouche n’est pas régulièrement changée ou l’eau filtrée, à conserver au réfrigérateur, consommée dans les vingt-quatre heures. «A une époque, j’ai dû dire que j’étais un peu méfiant [envers] ces cartouches ou technologies car elles n’étaient valables que si les utilisateurs respectaient les règles d’utilisation. Les charbons actifs sont des nids à bactéries, mais la santé publique n’a pas encore relevé le cas de maladies liées à ça», nuance Bernard Legube. A noter que pour se débarrasser du seul goût du chlore, selon UFC-Que Choisir, il n’est pas forcément nécessaire de filtrer l’eau, mais de la placer une heure au réfrigérateur.
Le charbon végétal, pas spécialement efficace
Et que penser des bâtonnets de charbon végétal Binchotan (du nom d’une variété de charbon de bois traditionnelle japonaise) ? Selon les fabricants, grâce à ces filtres naturels, «le chlore est retenu à la surface du charbon alors que les minéraux comme le calcium, le potassium et le magnésium sont libérés dans l’eau. Le goût de l’eau est ainsi plus agréable».
«A mon avis, en m’appuyant sur mes connaissances, je pense que ce n’est pas efficace par rapport à un filtre à travers lequel l’eau va passer. Le charbon actif est en effet d’autant plus actif qu’il est en poudre. Or les bâtonnets représentent une surface de contact encore plus faible», observe
Bernard Legube.
L’osmoseur, une installation énergivore
Selon l’association UFC-Que Choisir,
pour se débarrasser du goût du chlore, il suffit de placer l’eau une heure au
réfrigérateur.
Alternative elle aussi en vogue mais bien plus onéreuse (de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros selon les modèles) : les osmoseurs, des appareils de filtration qui s’installent directement sur l’évier dans la cuisine. Quand l’eau passe à travers, leurs filtres retiennent en effet le chlore, les pesticides, les nitrates, le plomb, etc. Mais privent aussi les buveurs des sels minéraux, comme le calcium ou le magnésium, naturellement présents.
A ce propos, 60 Millions de consommateurs déconseillait il y a quelques années d’investir dans ce genre de dispositifs et pointait «les dangers d’une eau trop pure» sur la santé. «Ça gaspille surtout de l’énergie ! soulève Bernard Legube, plus nuancé sur l’aspect sanitaire. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle compte tenu de la qualité de l’eau potable ? Pour moi, c’est du luxe et il faut en tout cas toujours respecter les règles d’utilisation avancées par le fabricant.» Lui n’a jamais bu en France une autre eau que celle du robinet. «C’est quand même une eau très correcte et heureusement que l’on a de l’eau à la maison de cette qualité», insiste-t-il.