Libération

80 ANS DE LA LIBÉRATION Dans la Drôme, Macron en visite historique

Le chef de l’Etat participer­a ce mardi aux commémorat­ions à Vassieux-en-Vercors, village martyr où maquisards et civils furent massacrés en 1944. Une première pour un président de la République.

- Par Samuel Ravier-Regnat Envoyé spécial à Vassieux-en-Vercors Photos Pablo Chignard

Après le plateau des Glières et la maison d’Izieu, le premier week-end d’avril, et en attendant les plages de Normandie en juin, le cheminemen­t mémoriel d’Emmanuel Macron pour les 80 ans de la Libération fait étape dans le massif du Vercors ce mardi. Le chef de l’Etat sera à Vassieux-en-Vercors, village martyr de la Seconde Guerre mondiale, où civils et maquisards furent décimés à l’été 1944 par la plus vaste opération militaire allemande entreprise contre la Résistance dans toute l’Europe de l’Ouest (lire ci-contre). La visite d’Emmanuel Macron est historique : jamais auparavant un président de la République n’avait participé à une cérémonie commémorat­ive dans ce village drômois qui compte parmi les cinq communes admises au rang de Compagnon de la Libération du fait de leur rôle dans la Résistance –avec Paris, Grenoble, Nantes et l’Ile-de-Sein.

Certes, le général de Gaulle avait été reçu à titre privé à la nécropole de Vassieux-enVercors en 1963 et l’exécutif est représenté à chaque anniversai­re décennal par le Premier ministre depuis 1994, date à laquelle François

Mitterrand, qui souhaitait venir, avait finalement été suppléé par Edouard Balladur en raison de son état de santé. Depuis, JeanPierre Raffarin a fait le déplacemen­t en 2004 et Manuel Valls en 2014.

«Une attente locale forte»

Mais Vassieux-en-Vercors n’avait jamais vu de président de la République en visite officielle, jusqu’à présent. «Les habitants les plus anciens attendaien­t cette visite depuis longtemps, salue auprès de Libération le maire de Vassieuxen-Vercors, Thomas Ottenheime­r, qui avait lui-même sollicité personnell­ement le chef de l’Etat. Pour nous, c’est forcément une bonne chose : ça permet de mettre un coup de projecteur sur ce qu’a vécu notre territoire.»

«Il y avait une attente locale particuliè­rement forte qui demandait que cette histoire soit honorée par la République, assure-t-on à l’Elysée, où l’on développe l’importance symbolique du site de Vassieux-en-Vercors. Le maquis du Vercors est l’illustrati­on que la République en France est un régime mais surtout un projet universel […]. Pour le président de la République, c’est l’occasion de placer le déplacemen­t sous le thème de l’hommage à tous ceux qui se sont levés pour la liberté.»

La commémorat­ion de ce mardi devrait se dérouler en deux étapes. D’abord, une cérémonie «très solennelle», selon l’Elysée, à la nécropole

de Vassieux-en-Vercors où sont enterrés 187 résistants et civils tués sur le plateau du Vercors pendant l’été 1944. Puis un hommage dans le village, devant le martyrolog­e, le monument aux morts situé en face de la mairie, en présence de la population. La municipali­té attend «autour de 600 ou 700» personnes. Parmi les invités, les maires des quatre autres communes Compagnon de la Libération, notamment la socialiste parisienne Anne Hidalgo et l’écologiste grenoblois Eric Piolle, ainsi que les ambassadeu­rs du Sénégal et de Pologne, dont certains ressortiss­ants ont combattu dans les rangs des maquisards.

Reste un débat sur la date de l’hommage. Depuis 1946, les commémorat­ions à Vassieux-enVercors ont lieu chaque année le 21 juillet, qui marque le début du raid meurtrier des troupes nazies sur la commune. Macron, lui, a opté

pour le 16 avril. Ce jour-là en 1944, des miliciens du régime de Vichy, encadrés par l’ex-officier des troupes coloniales Raoul Dagostini, s’installent dans le village. Ils y restent une semaine, saccagent, pillent, intimident. Trois habitants sont fusillés. Un drame qui témoigne des crimes de la collaborat­ion et rappelle à qui l’aurait oublié que tout le monde n’était pas résistant, dans la France des années 40. Mais nul, à Vassieux-en-Vercors, ne commémore jamais la date du 16 avril, et le choix présidenti­el a surpris les élus locaux.

«Un choix politique»

«C’est forcément une bonne chose : ça permet de mettre un coup de projecteur sur ce qu’a vécu notre territoire.»

Thomas Ottenheime­r maire de Vassieux-en-Vercors

«Le 21 juillet appelle la présence du président de la République à Paris dans le cadre des Jeux olympiques. Il y a des équilibres à trouver dans les différents paramètres», justifie l’Elysée. Sans convaincre tout le monde. «En faisant l’impasse sur la date du 21 juillet, Emmanuel Macron passe à côté de la dimension symbolique de la mémoire du Vercors. C’est un choix politique, dans la hiérarchis­ation des symboles qu’il décide de mettre en avant», s’agace un acteur de la mémoire locale. Et de poursuivre, passableme­nt irrité: «Quatre-vingts ans après les faits, on attend toujours un président de la République à la cérémonie de commémorat­ion du 21 juillet. C’est une plaisanter­ie. Désormais, il nous reste à espérer une visite pour les 90 ans de la Libération, en 2034.»

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A l’accueil du musée départemen­tal de la Résistance.
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Vue sur Vassieuxen-Vercors (Drôme), jeudi.

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