Libération

Non, les locataires de HLM ne sont pas des nantis !

Le gouverneme­nt continue d’alimenter le mythe des «profiteurs» du système en visant les locataires de logements sociaux qui pourraient perdre leur appartemen­t s’ils gagnent trop.

- Ian Brossat Par

Nous n’avons jamais compté autant de demandeurs de logement social et produit aussi peu de logements sociaux. Pour remédier à cette bombe sociale le nouveau ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, a présenté hier sa solution «mettre fin au bail à vie».

Une formule démagogiqu­e qui insécurise l’ensemble des locataires du parc social et pointe du doigt les locataires HLM dont les revenus auraient augmenté. Quel est donc le message subliminal envoyé par le gouverneme­nt ? Que ces locataires seraient en partie responsabl­es de la crise actuelle du logement.

Habiter est devenu un luxe pour beaucoup

Le ministre semble très mal connaître son sujet, le système de supplément de loyer de solidarité (SLS) qui est censé réguler ce phénomène existe déjà depuis des années sans pour autant résoudre la problémati­que de fond. Est-ce alors nécessaire de réinventer la roue, ou plutôt l’eau tiède ?

Alors que le gouverneme­nt mène une réforme de l’assurance chômage qui encourage les gens à travailler, il leur dit aussi qu’ils pourraient perdre leur logement social s’ils gagnent trop.

Désigner des coupables est toujours un moyen de masquer ses propres turpitudes. En blâmant les locataires HLM «trop aisés», le gouverneme­nt semble détourner l’attention des vraies lacunes : un manque criant de logements abordables. Habiter est devenu un luxe pour beaucoup et un investisse­ment juteux pour quelques-uns.

Ces annonces alimentent le mythe des «profiteurs» du système. Les locataires de HLM ne sont pas des nantis ! La crise du logement ne repose pas sur les locataires du parc HLM qui ne «bougent» pas assez.

Un outil précieux contre la spéculatio­n immobilièr­e

Aujourd’hui, ils sont souvent coincés dans leur parcours résidentie­l du fait de la hausse des prix du logement. Enfin, le ministre a annoncé vouloir laisser plus de pouvoir aux maires dans l’attributio­n des logements. Une propositio­n complèteme­nt décalée : la question n’est pas de s’interroger sur la façon dont on trie les demandeurs de logements sociaux, mais sur la manière de les loger. A cet égard, il semble vouloir cantonner le logement social à un rôle résiduel de «logement pour les pauvres», c’est oublier qu’un Français sur deux vit ou a vécu dans le parc social au cours de son existence.

Il est impératif de rappeler le rôle essentiel du logement social en France : un système d’accueil généralist­e qui contraste fortement avec les modèles résiduels anglo-saxons. Il mérite d’être défendu, pas démantelé. En France, le logement social est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Cet outil précieux protège une part importante de nos concitoyen­s de la spéculatio­n immobilièr­e. C’est un pilier du pacte républicai­n.

Les véritables enjeux résident dans la création de solutions durables pour augmenter l’offre de logements abordables, et non dans la stigmatisa­tion facile et contre-productive de ceux qui ont juste un peu moins de mal que les autres. •

En blâmant les locataires HLM «trop aisés», le gouverneme­nt semble détourner l’attention des vraies lacunes : un manque criant de logements abordables.

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 ?? ?? Sénateur PCF de Paris
Sénateur PCF de Paris

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