Libération

Frémisseme­nt

- Par Paul Quinio

Raphaël Glucksmann va-t-il créer la surprise ? Premier candidat de gauche dans les sondages, la tête de liste PS-Place publique se sent suffisamme­nt pousser des ailes pour espérer, le 9 juin, devancer la liste macroniste emmenée par Valérie Hayer. Le fameux croisement des courbes ne s’est pas encore produit, mais il est à portée de main. Pour la majorité, cette perspectiv­e relève du cauchemar. Pour la famille sociale-démocrate pro-européenne, sortie en guenilles de la présidenti­elle, ce serait un petit miracle. Comment expliquer ce frémisseme­nt ? Il existe une dimension personnell­e : à l’inverse de beaucoup d’autres eurodéputé­s, Glucksmann est depuis cinq ans un élu assidu et investi au Parlement européen. Il dégage désormais une image rassurante de sérieux, de candidat qui connaît ses dossiers. Dans un contexte géopolitiq­ue inflammabl­e, ses positions tranchées sur l’Ukraine, mais équilibrée­s sur le conflit israélo-palestinie­n, séduisent certains électeurs de gauche. Notamment ceux qui s’étaient tournés vers Jean-Luc Mélenchon en 2022, mais s’en détournent lors de ces européenne­s, le leader insoumis s’étant à leurs yeux discrédité sur ces enjeux.

Le candidat PS-Place publique parle aussi aux macroniste­s de gauche, que la droitisati­on du Président exaspère. Il profite enfin de la contre-performanc­e de la liste écolo. Alors que les européenne­s leur réussissen­t plutôt bien, le nom de la tête de liste des verts, Marie Toussaint, n’a pas encore franchi la porte du salon des Français. Il convient néanmoins de relativise­r la force du vent qui pousse Raphaël Glucksmann dans le dos. Une seconde place lors du scrutin de juin modifierai­t bien sûr les équilibres issus de la présidenti­elle entre gauche radicale et réformiste. Mais les européenne­s restent un rendez-vous très spécifique, dont il est souvent difficile de tirer de vrais enseigneme­nts au plan national. Un succès du candidat PS-Place publique ouvrira la phase de reconstruc­tion de la gauche sociale-démocrate, il ne signera certaineme­nt pas un retour en force définitif. Enfin, ultime raison de relativise­r la dynamique Glucksmann : elle reste bien faiblarde comparée à celle de l’extrême droite. Et c’est bien sûr désolant.

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