Gabriel Attal et les nuances de l’autorité
Le discours de Gabriel Attal à Viry-Châtillon, jeudi, consacré aux voies et moyens d’endiguer un phénomène inquiétant et réel de juvénilisation de la violence, nous permet de procéder à une mise au point. Une mise au point politique pour différencier la droite modérée de l’extrême droite. Parce que, oui, dans nos analyses d’éditorialistes de gauche, nous avons tendance, et c’est bien nécessaire, à pointer la pente autoritaire empruntée souvent par ce gouvernement. Ce fut le cas, par exemple, pour cette fâcheuse et liberticide manie de vouloir interdire tant de manifestations, dissoudre tant d’associations, tout en ayant l’air de ne pas se soucier des salutaires rappels au droit du Conseil d'Etat ou de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce faisant, nous assimilons un peu vite le macronisme (simplifions, disons «centre droit») à l’extrême droite. Le discours de jeudi nous donne l’occasion de faire clairement la différence.
Le thème de l’autorité, bien que rhétoriquement surjoué par Gabriel Attal, n’était pas, sur le fond, à comptabiliser comme de l’autoritarisme. En schématisant, on pourrait dire que pour la gauche, l’autorité est soit une tyrannie, soit un exemple (pour Jaurès, l’éducation est une tension entre l’autorité et la liberté). Pour la droite, l’autorité est le moyen le plus sûr, et pour l’extrême droite, l’autorité est le but. En politique ce n’est pas toujours la priorité des concepts qui compte mais bien de déterminer si le concept est un moyen ou un but. Or avec le discours de Viry-Châtillon, l’autorité n’est pas un but mais un moyen. Le but est, dit Gabriel Attal, l’émancipation de la jeunesse. Dans les causes déterminées par le Premier ministre qui expliquent la violence accrue chez les plus jeunes, il y a la difficulté d’élever des enfants pour des familles monoparentales (très souvent des femmes seules), les parents aux attitudes de consommateurs avec l’école, les écrans, le repli identitaire, l’entrisme islamiste. Ce n’est pas une explication d’extrême droite et moralisatrice pointant, par exemple, la décadence et la fin de l’autorité à cause de Mai 68. Les causes sont sociales et politiques.
La gauche aurait pointé la ghettoïsation, la non-mixité (que l’assouplissement de la loi SRU qui impose la construction de logements sociaux dans toutes les agglomérations va renforcer). Les mots qui accompagnent les propositions de Gabriel Attal, d’autorité plutôt modérée, sont, eux, choisis sur une gamme un peu démago pour flatter le «désir d’autorité» de la classe moyenne dont il voudrait se faire le porte-parole : «Aujourd’hui, c’est la République qui contreattaque», «je veux le droit à la France tranquille […] un ordre durable républicain […] la culture de l’excuse, c’est fini.» Mais le Premier ministre propose un retour à l’autorité avec des mesures symboliques, comme se lever quand le prof rentre en classe ou l’expérimentation des uniformes (très rapidement évoquée parce que l’affaire, sur le terrain, tourne au fiasco), ou des mesures disciplinaires comme l’inscription sur le dossier scolaire pour Parcoursup (provisoirement si l’élève fait des efforts) d’une mention d’indiscipline. L’idée de l’impunité zéro, qui brille à droite quand elle est énoncée, n’est heureusement pas accompagnée ici par une série de réformes de la justice des mineurs. Gabriel Attal dit son attachement (contrairement à l’extrême droite ou même à la doctrine sarkozienne) à «l’excuse de minorité» sur laquelle il ne souhaite pas revenir. Tout juste entrouvre-t-il une porte dangereuse en demandant à son garde des Sceaux d’examiner son aménagement. On peut trouver quand même, dans cette drôle de phrase prononcée au début de son discours – «les Français ont le sentiment de trop voir la violence dans le poste» –, le souhait, à peine voilé, de répondre à une réalité surdimensionnée et surexploitée par les chaînes d’infos. Mais c’est bien connu, pour un élu, le ressenti de la population est un fait politique plus intéressant que la réalité vraie puisqu’il est plus facile de «traiter» un ressenti qu’une réalité. Au final, il serait quand même malhonnête d’affirmer que Gabriel Attal cède à l’extrême droite ou surtraite un sujet mineur. Droite et extrême droite, ce n’est pas pareil.