Libération

Européenne­s : Macron s’invite dans la campagne pour sauver le soldat Hayer

Le chef de l’Etat a fait une apparition vendredi au siège de Renaissanc­e et promis «d’apporter [ses] forces» à la tête de liste, dont la campagne bat dangereuse­ment de l’aile.

- PAR JEAN-BAPTISTE DAOULAS ET LAURE EQUY

Un seul être se pointe et tout peut démarrer. Vendredi, au débotté, c’est un humble serviteur qui passe un quart d’heure au QG parisien de Renaissanc­e et propose un coup de main à Valérie Hayer. «Là où je suis, j’essaierai de vous aider et d’apporter mes forces à quelques moments clés de la campagne», promet Emmanuel Macron, se tournant vers la tête de liste Renaissanc­e qu’il remercie de «porter [les] couleurs» du camp présidenti­el «avec talent et compétence».

Le duo a fait une entrée simultanée face aux militants rassemblés sur la terrasse du siège. «Cette élection est essentiell­e pour ce que l’on représente, pour ce que nous sommes et pour ce que nous défendons en Europe alors même que l’Union européenne n’a jamais fait face à autant de défis dans son histoire», a dramatisé le chef de l’Etat, enfin décidé à accélérer. La veille, à l’issue du Conseil européen à Bruxeltent les, il a annoncé qu’il prononcera­it jeudi, comme il l’avait fait en septembre 2017, un discours sur l’Europe à la Sorbonne, pour donner «le cap de ce que le pays a fait et ce vers quoi nous allons et surtout pour les années à venir». Dans la foulée, la majorité présidenti­elle, jusqu’ici plutôt attentiste, s’est dotée d’un début d’agenda: un deuxième meeting à la Mutualité, à Paris, le 7 mai, deux mois après le raout de lancement à Lille.

Paradoxe. Dans une interview à l’Opinion, le directeur de campagne, Pieyre-Alexandre Anglade, a précisé que seront alors connus la compositio­n de la liste et le programme. Malgré un début de campagne piano, piano, la tête de liste Valérie Hayer s’enthousias­mait en réunion publique jeudi soir, confiant aux militants parisiens qu’«on perçoit tous ce frétilleme­nt, cette envie de parler d’Europe, je sens cette énergie». Seule en scène depuis sa désignatio­n en février, la candidate encore peu connue des Français voit enfin arriver «le» renfort. «Le début de la campagne, c’est le discours du président de la République. C’est ce qui nous fera passer du débat préélector­al de gesticulat­ions sondagière­s, le nez sur le rolling [le sondage IfopFiduci­al qui teste au quotidien les intentions de vote, ndlr], à un débat électoral autour de cette question : qui pèsera, qui fera entendre la voix de la France en Europe ?» presse un ministre.

La tirade élyséenne «ne sera rien d’autre qu’un discours de campagne au bénéfice de Mme Hayer», critique LFI, qui annonce saisir l’Arcom pour que le temps de parole d’Emmanuel Macron à la Sorbonne soit «attribué à la liste» Renew. Déjà la vidéo brièvement postée jeudi sur le compte Twitter (renommé X) de l’Elysée, dans laquelle le chef de l’Etat saluait en Hayer «la bonne candidate», avait irrité les insoumis qui dénoncent auprès de la commission nationale des comptes de campagne «l’utilisatio­n des moyens de l’Etat» pour booster la liste présidenti­elle. La majorité, elle, pousse un soupir de soulagemen­t : une fois que son chef aura donné le la, tout se mettra en ordre de marche. Curieux paradoxe. Les macroniste­s comp

sur un président impopulair­e pour sauver une campagne encalminée dans les sondages, la liste de Hayer stagnant à 17,5% d’intentions de vote selon le pointage de l’Ifop publié jeudi. «L’une des causes de ce score est la personnali­té du Président, mais personne d’autre que lui ne peut mettre en perspectiv­e l’enjeu de cette élection», résume une ministre.

Urgent. Comme toujours depuis 2017, tout procède du Président. C’est Emmanuel Macron qui aura la haute main sur la liste, dont la compositio­n aiguise les appétits du Modem et d’Horizons et inquiète des sortants toujours pas sûrs d’être reconduits. C’est encore lui qui peste, en petit comité ou en Conseil des ministres, contre ceux, dans son camp, parlementa­ires ou ministres, qui jettent très mollement leurs forces dans la bataille. Le chef de l’Etat surveille jusqu’aux petites lignes du programme de Valérie Hayer. Il a présidé une réunion sur le sujet avec ses conseiller­s et les députés Pieyre-Alexandre Anglade et Clément Beaune le 8 avril à l’Elysée. Il recevra mardi à déjeuner les chefs de partis de la majorité, les principaux ministres et les cadres de la campagne, selon une informatio­n du Point confirmée par l’AFP.

Les macroniste­s affichent le calme des vieilles troupes face aux mauvais sondages. Vendredi, le Président a exhorté les militants à «tenir bon», évoquant une campagne où les Français «vont se décider dans la dernière ligne droite». Il est pourtant urgent de redresser la barre, alors que Hayer est désormais à la merci d’une percée de la liste PS de Raphaël Glucksmann. «Les sondeurs disent qu’il faut mobiliser les électeurs du Président au premier tour de 2022, qui aujourd’hui ne prévoient pas d’aller voter», souligne un ministre haut placé. Plutôt discret lui aussi depuis sa participat­ion au premier meeting du 9 mars et à un porte-à-porte avec Valérie Hayer, Gabriel Attal assure qu’il s’impliquera dans la campagne à partir du mois de mai. Une déroute ferait entrer son gouverneme­nt, et la fin du quinquenna­t, en zone de turbulence­s.

 ?? PhOtO LUDOVIC MARIN.AFP ?? Emmanuel Macron et Valérie Hayer, tête de liste Renaissanc­e pour les européenne­s, à Bruxelles mercredi.
PhOtO LUDOVIC MARIN.AFP Emmanuel Macron et Valérie Hayer, tête de liste Renaissanc­e pour les européenne­s, à Bruxelles mercredi.

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