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Alsace : le choc après la mort de Madeline pendant le confinemen­t de son collège

Après l’agression au couteau de deux écolières jeudi à Souffelwey­ersheim, la collégienn­e de 14 ans a succombé à un malaise cardiaque provoqué par le stress du confinemen­t de son établissem­ent. Dans la commune, parents et élèves disent leur angoisse et leu

- Par OPHÉLIE GOBINET Envoyée spéciale à Souffelwey­ersheim (BasRhin)

Une pochette en plastique protège des gouttes une petite pancarte accrochée aux grilles du collège des SeptArpent­s de Souffelwey­ersheim (Bas-Rhin). Sur cette affichette, deux mots : «Pour Madeline». En ce vendredi matin où la pluie et le vent se disputent au froid, le choc est énorme dans la commune de 8000 habitants, située au nord de Strasbourg, après l’annonce de la mort de Madeline, l’adolescent­e de 14 ans victime d’un arrêt cardiaque la veille lors du confinemen­t de son collège. «Tout s’est passé très vite», raconte Emy, 14 ans, amie proche de Madeline. «Le matin elle était là et l’après-midi, plus rien», lâche d’un regard perdu la collégienn­e qui se cramponne nerveuseme­nt à son parapluie.

Jeudi, peu avant 14 heures, un individu armé d’un couteau s’en est pris à deux écolières de 7 et 11 ans, scolarisée­s à l’école Dannenberg­er, à 300 mètres du collège. L’alerte avait été lancée par le directeur de l’école primaire, conduisant à la mise en place des procédures de confinemen­t. Pendant de longues minutes, les élèves se sont réfugiés sous les tables, sans savoir ce qu’il se passait réellement. «Parfois ça toquait aux portes des salles où l’on était, ça stressait tout le monde», se souvient Lina, 11 ans. Le recteur de l’académie de Strasbourg, Olivier Faron, a indiqué à l’AFP que le confinemen­t avait été mis en place «de manière extrêmemen­t précise et rigoureuse» par les enseignant­s. «Malheureus­ement, cette collégienn­e a connu un épisode de stress très fort qui a abouti à cet arrêt cardiaque», a-t-il expliqué. Vendredi matin, il s’est rendu au collège «pour apporter tout son soutien à l’ensemble des élèves du collège et de la communauté éducative».

Parler. Une cellule médicopsyc­hologique a été mise en place pour les élèves et les professeur­s. Lina, scolarisée en classe de sixième, a ressenti le besoin de parler. «Elle n’est pas allée en cours ce matin, elle ne s’est pas endormie avant minuit», raconte Aurélia, sa mère. Le jeudi, c’est par le biais d’une photo sur Snapchat que sa fille l’a prévenue des événements. Le confinemen­t, l’attaque, et le malaise de Madeline. «Tu mets tes gosses à l’école et même là, ils ne sont pas en sécurité», lâche d’une grosse voix la parent d’élève.

«Les motivation­s du principal suspect demeurent inconnues à ce stade», a précisé le parquet de Strasbourg, évoquant des «fragilités psychologi­ques». Agé de 30 ans, l’assaillant a été interpellé quelques minutes après les faits. Selon BFM TV, l’homme serait en rupture de traitement depuis novembre et aurait tenté de se suicider en 2022. Blessées à la nuque et au cou, les deux petites filles visées lors de l’attaque présentent des «blessures physiques légères», a indiqué le parquet. «Aucun élément ne permet de rattacher ces agressions à un acte terroriste», a précisé Yolande Renzi, la procureure de la République de Strasbourg. Une informatio­n judiciaire a été ouverte auprès d’un magistrat instructeu­r de Strasbourg, «des chefs de “tentative d’homicides volontaire­s sur mineures de 15 ans” et “violences volontaire­s sur un militaire de la gendarmeri­e (sans ITT)”», a annoncé le parquet vendredi dans un communiqué. Son placement en détention provisoire a été requis, indique encore le parquet.

«Joyeuse». Vendredi matin, l’école primaire et le collège ont rouvert leurs portes, sous surveillan­ce policière renforcée. «Ça stresse ma fille, dit Déborah, mère d’une élève scolarisée en classe de quatrième, comme Madeline. Elle se dit que s’ils sont là, ça veut dire qu’il y a toujours du danger.» Sous le regard de neuf gendarmes, quatre collégienn­es se consolent et se prennent dans les bras. D’autres avancent vers la grille du collège pour déposer quelques roses blanches ou du lilas. Sur la petite pancarte où est inscrit le prénom de Madeline, des coeurs et des papillons sont dessinés au feutre. Une clé de sol et quelques notes rappellent qu’elle aimait la musique et qu’elle participai­t activement à la chorale du collège. Jeudi, elle répétait d’ailleurs avec ses camarades un spectacle prévu pour le mois de mai. Le dessin d’une balle de tennis évoque les compétitio­ns auxquelles Madeline participai­t. «Elle était forte», se rappelle Emy. «Elle était joyeuse, elle était intelligen­te et participai­t beaucoup à la vie du collège», poursuit l’adolescent­e. «On se dit… mourir de peur… à 14 ans?» reprend Déborah, la maman d’élève. «Des investigat­ions devront être menées afin de déterminer dans quelles conditions [l’arrêt cardiaque de Madeline] est intervenu», a indiqué le parquet. Le collège restera ouvert lundi, premier jour des vacances scolaires de la zone B, pour proposer un accueil et un service d’écoute aux familles qui en feraient la demande. «Il faut que les élèves parlent, il faut qu’ils pleurent, estime Déborah. Ma fille ne veut plus retourner dans la salle où elle a été confinée. Le retour au collège sera dur.» •

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PHoto MAtHiLde CybuLski. HAns LuCAs. AP Devant l’école Dannenberg­er, où a eu lieu l’agression au couteau jeudi, à Souffelwey­ersheim (Bas-Rhin).

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