Libération

«Je savais que j’avais un demifrère que je ne connaissai­s pas»

Elsa, 49 ans, a posté une annonce en ligne pour trouver l’autre enfant de son père.

-

«J’ai très peu connu mon papa. Il est parti quand j’avais 8 ans. A mes 30 ans, sa compagne m’a recontacté­e et nous avons commencé à nous revoir. Le 15 août 2017 à 19 heures, j’étais chez moi, je m’apprêtais à aller à une soirée quand le téléphone a sonné. Au bout du fil, la gendarmeri­e m’annonçait le décès de mon papa d’une crise cardiaque dans la rue. Quand je suis allée à la gendarmeri­e, on m’a demandé s’il avait eu d’autres enfants. Je savais que j’avais un demi-frère que je ne connaissai­s pas. La gendarme me dit alors : «Pour la succession, vous allez

nd être obligée de le retrouver.» «Je ne connaissai­s que son nom et son prénom. Elle me dit qu’elle va voir exceptionn­ellement s’il apparait dans ses fichiers. Elle retrouve quelqu’un à Antony (Hauts-de-Seine) qui a déposé une plainte pour un vol, mais j’ignore comment le contacter. Je décide de mettre une annonce sur mon compte Facebook, en public. Elle rencontre rapidement un succès important, est partagée jusqu’au Canada. J’y avais mis des détails précis. Certaines personnes l’ont reconnu, notamment parce qu’ils avaient été dans la même équipe de moto et ils essayaient de me donner des contacts de personnes qui pourraient m’aider. On a même retrouvé une adresse à Montpellie­r où on a pensé qu’il était un temps. Une personne rencontrée sur les réseaux sociaux qui vivait par là m’a proposé d’aller voir, mais elle n’a rien trouvé. Mon papa était écrivain, il était connu d’une journalist­e du Dauphiné libéré. Elle a vu l’annonce et a écrit un article sur mes recherches. Malgré cela, je ne parvenais toujours pas à le joindre. «On a fini par me dire qu’il était bien au courant du remue-ménage que ça avait provoqué. S’il ne donnait pas de nouvelles, c’est qu’il ne voulait pas, avait-on ajouté. J’ai alors fait un nouveau post pour dire que si quelqu’un ne se présente pas à la succession, ça peut être condamnabl­e. Je ne demandais pas qu’on noue des liens, mais qu’on règle la succession et que si ça ne m’était pas possible, je porterais plainte. J’ai posté cette publicatio­n à 11 h 55. A 12 h 05, j’ai reçu un mail de mon demi-frère. Il me demandait ce qu’il se passait, je lui ai répondu que notre père était décédé et qu’il fallait se rapprocher de la notaire.

«On s’est rencontrés à Paris, chez le notaire. On s’est découverts làbas, on savait qu’on existait mais pas ce qu’on avait fait de notre vie. Il ne l’avait pas beaucoup connu non plus. On est allé à l’appartemen­t de mon père et on l’a débarrassé tous les deux. Malgré le tragique du moment, on avait des fous rires. On s’est rendu compte qu’on avait plein de points communs.

Quand je suis rentrée dans le Sud, j’étais chargée de vendre la voiture de collection de notre père. J’ai envoyé la moitié de la somme à mon demi-frère. A partir de là, je n’ai plus eu de nouvelles. A l’incinérati­on, il n’est pas venu. Je n’ai pas insisté ensuite. J’ai envoyé un mail un jour pour lui dire que je ne comprenais pas pourquoi il ne m’avait même pas dit qu’il avait bien reçu le chèque, que j’étais déçue et que finalement il ressemblai­t à notre père.

«Sur le moment, je lui en ai voulu. J’ai toujours voulu avoir un grand frère, d’autant qu’on n’a que six ans de différence. Ça me faisait plaisir de l’avoir retrouvé d’autant plus qu’on s’était bien entendus. Je pouvais partager des choses avec lui. Notre père nous avait abandonnés, je pensais que ça nous rapprocher­ait. C’était le frère que je n’avais pas eu. Ça se passait plutôt bien entre nous donc je ne sais pas pourquoi du jour au lendemain je n’ai plus eu de nouvelles. Aujourd’hui je suis passée à autre chose.

«Ce que je retiens, ce sont toutes les personnes que je ne connaissai­s pas et qui ont voulu m’aider. C’est le côté que j’aime bien des réseaux sociaux, cette part d’humanité. Beaucoup de gens avaient vraiment envie que je le retrouve. Mon appel a fonctionné. J’aimerais que mon histoire puisse en aider d’autres, que l’on se dise que les réseaux sociaux, ça peut servir à ça aussi.»

Newspapers in French

Newspapers from France