Libération

«Sky Dome 2123», dessein animé

Entre décors en 3D et personnage­s réalisés à la main, le film d’animation sur une Terre détruite et sa civilisati­on sacrifiée finit par souffrir de son genre hybride.

- MARIUS CHAPUIS

Il n’est pas de problème que la technologi­e ne saurait résoudre. Voilà la grande croyance de notre temps, portée par son champion Elon Musk, dont s’empare Sky Dome 2123 en la portant à son stade terminal. Epuisée, la Terre a rendu l’âme et n’est plus qu’une surface stérile, sans faune, ni flore. La civilisati­on qui y survit, réfugiée sous des dômes de plastique, est régie par une hyper-rationalis­ation du vivant. L’homme, devenu moyen et fin, consommate­ur et produit, se voit attribuer une date d’expiration : passé la cinquantai­ne, le temps de la jouissance est révolu et débute alors une mise au service de la communauté qui implique de devenir à son tour une ressource consommabl­e. Le cannibalis­me cool comme chemin vers l’autarcie parfaite, où le corps recyclé fait tourner les voitures autonomes, alimente les restos, éclaire la grande machinerie d’un néo-Budapest capté, dès le premier plan du film, comme une sorte de grand circuit imprimé d’un ordinateur monde. On comprend sans difficulté le choix de Nora, 32 ans et une dépression de tous les diables, d’entamer un processus anticipé de «végétalisa­tion» (c’est moins morbide, dit comme ça). Contre le choix de son mari, Stefan, qui refuse de la laisser partir si vite et se jette à coeur perdu dans une tentative d’enrayer les rouages de la grande machine qui régit le monde. Premier long métrage d’animation d’un duo de cinéastes hongrois, Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó, Sky Dome 2123 inscrit l’étrangeté de cette «résilience» humaine jusque dans son image. Quand tous les décors sont réalisés en 3D, le genre humain se distingue en étant dessiné à la main d’après les performanc­es d’acteurs captés en rotoscopie. D’un côté, un monde de volumes et de numérique, de l’autre, des aplats et de l’organique. Sur le papier, cela semble malin puisque ça permet d’inscrire au plus profond du film la structure même de cette société, tant par sa froideur que par son caractère hybride. Mais ce parti pris transforme chaque scène, chaque plan du film en exercice d’équilibris­te où il s’agit de trouver un moyen de réconcilie­r deux registres d’images très différents. La plupart du temps, l’image semble comme divisée en deux, déchirée, les personnage­s semblant comme étrangers aux décors dans lesquels ils déambulent. Projet au long cours qui s’est étendu sur sept années, le film souffre – triste ironie – de trop s’en remettre à la technologi­e pour créer du spectacula­ire quand sa 3D souffre de paraître trop souvent dépassée, évoquant plutôt le jeu vidéo fauché que le cinéma.

SKY DOME 2123 DE TIBOR BÁNÓCZKI ET SAROLTA SZABÓ 1H52.

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Photo Salto filmS Dans le film, passé la cinquantai­ne, l’homme devient à son tour une ressource consommabl­e.

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