Libération

«Le Déserteur», service minimum à Tel-Aviv

Dani Rosenberg filme un jeune Israélien fuyant son bataillon pour retrouver sa petite amie dans une mise en scène jamais à la hauteur de son ambition.

- CAMILLE NEVERS

Sur le papier, le Déserteur devait être parfait à lire, trépidant, tenu par son absurdité politique enclose sur son territoire, avec unité de lieu, de temps et d’action sans répit. La fuite en avant sur fond de guerre et de ruines, dans une cité en état d’alerte permanente, même si Dani Rosenberg cite Buster Keaton à ses risques et périls, évoque plutôt selon l’instant After Hours, Cheval de guerre ou Harlem Story pour son côté jazz, flingue et course dans la ville (ici Tel-Aviv, loin du ghetto noir du New York de Shirley Clarke). Mais du scénario à l’écran, entre le film rêvé et la réalisatio­n effective, quelque chose s’est dilué avec la mise en scène, jamais à la hauteur de son ambition.

Shlomi est «le soldat disparu» – titre original plus en phase avec le récit que le Déserteur. Il quitte son bataillon posté à Gaza et retourne en ville. Indocile, Shlomi cherche à tout prix à revoir sa petite amie pour la convaincre de ne pas partir au Canada, de rester en Israël avec lui, de l’épouser enfin. Après l’immobilité du troufion retranché en attente du feu ennemi, le jeune homme se met à courir.

Après l’homme qui marche, voici l’homme qui court, qui fuit. Belle idée constante, mais seule idée du film. Il court, c’est tout ce qu’il sait faire. Penser, non. Mettre en perspectiv­e,

à peine, à part la scène au minimarket de nuit qui, un instant, prend la mesure de l’horreur que sa désertion implique (Tsahal se met à massacrer des Palestinie­ns pour venger «l’enlèvement»). C’est service minimum. Le film est à l’image du jeune homme, il court après sa mise en scène.

Il y a la maladresse réelle de l’acteur (Ido Tako) dont le film choisit de garder les signaux de hâte et de fébrilité (nerfs et amour, ce qui meut le jeune homme) : ne pas bien monter en selle sur son vélo et poursuivre à pied, faire tomber un balai en s’adossant au mur de l’arrière-cuisine, ou le néon des WC de l’hôpital qui clignote pendant la scène d’exhortatio­n de la mère, etc. Or, tous ces petits accidents tolérés et même recherchés par la réalisatio­n de guingois (c’est quoi ce travelling dans les ruines ? Ces axes vus du ciel ou à hauteur de grille de ventilateu­r ?) redoublent la gaucherie de l’ensemble. Le héros est maladroit, le film plus encore.

LE DÉSERTEUR DE DANI ROSENBERG AVEC IDO TAKO, MIKA REISS… 1 H 38.

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Photo Dulac DiStributi­on Le héros maladroit d’un film maladroit.

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