Libération

Jean-Luc Gleyze, un président expériment­eur

A la tête de la Gironde depuis 2015, l’élu PS est convaincu que l’urgence sociétale et planétaire oblige les collectivi­tés à «inventer de nouvelles solutions».

- E.Fo. «digne». (à Bordeaux)

Un revenu de base pour les plus jeunes, un congé menstruel et ménopause pour les personnes travaillan­t au départemen­t, un revenu de solidarité agricole ou une sécurité sociale de l’alimentati­on… Qu’il échoue ou qu’il réussisse, face à la précarité grandissan­te ou au péril écologique, le conseil départemen­tal de la Gironde multiplie les expériment­ations en tout genre depuis dix ans, le plus souvent en tête de file. Au point de l’avoir érigé en méthode. «Quand j’ai été élu en 2015, j’ai proposé que l’innovation et l’expériment­ation soient une voie que creuse systématiq­uement le départemen­t. Je le répète encore aujourd’hui, il faut oser se tromper et surtout oser réussir pour faire avancer les choses», pose d’emblée Jean-Luc Gleyze, le président socialiste de cette collectivi­té fixée à gauche depuis 1976 (mis à part une parenthèse RPR entre 1985 et 1988). Une prise de risque «nécessaire» pour cet élu de 61 ans, convaincu que l’urgence sociétale et planétaire oblige les collectivi­tés à «inventer de nouvelles solutions beaucoup plus rapidement que par le passé». A condition d’y associer la parole citoyenne et la recherche.

«Idées». Le sexagénair­e, fils d’ouvriers d’une cité dans le Sud-Gironde, a l’attachemen­t au service public chevillé au corps. Réputé pour son «opiniâtret­é», mais de «tempéramen­t discret», Jean-Luc Gleyze ne se destinait pourtant pas au monde politique. Il commence comme agent administra­tif en mairie, puis gravi les échelons jusqu’à devenir en 2004, conseiller général du canton de Captieux, le moins peuplé du départemen­t, avec six communes et 2 300 habitants. «Honnêtemen­t, on m’y a poussé. J’ai mis quatre mois avant de me décider à me présenter, car je ne me sentais pas légitime», retrace le Girondin, toujours resté à l’écart des joutes internes au Parti socialiste. Dix ans plus tard, il devient maire de Captieux

durant un an puis est élu en 2015 président du départemen­t sous la casquette socialiste, succédant à l’indéboulon­nable Philippe Madrelle. Au cours de son premier mandat, il se fait remarquer en lançant l’idée d’un revenu de base universel pour les plus jeunes. Il entraîne avec lui une vingtaine de départemen­ts socialiste­s. Si la propositio­n n’est finalement pas retenue, elle provoque un important débat public. «Beaucoup d’idées, oui, mais rien qui n’aboutisse véritablem­ent», raillent en coulisse plusieurs opposants. «Contrairem­ent à ce que fait l’Etat, qui expériment­e et généralise avant d’avoir évalué, nous, nous préférons expériment­er puis évaluer, pour ensuite imaginer une généralisa­tion. Quitte à ce que ça ne fonctionne pas», rétorque Jean-Luc Gleyze. Las d’entendre parler d’innovation «uniquement de façon technologi­que ou industriel­le», il espère démontrer, avec le départemen­t, que «l’expériment­ation peut aussi être sociale et sociétale».

«Erreur». «Un exemple d’expériment­ation qui me tient particuliè­rement à coeur et qui illustre bien notre démarche au quotidien, est celui de “Gironde inclusive”, que nous portons depuis 2018», souligne le socialiste, réélu en 2021. Afin de les impliquer davantage, la collectivi­té a proposé à 200 personnes en situation de handicap de contribuer à l’écriture d’une nouvelle feuille de route pour la période 2022-2025. «C’est une première en France, assure-t-il. La conception du projet n’est pas écrite par les élus, ni par les services, mais bien par les principaux concernés.» Dernier sujet de conflit avec l’Etat, le départemen­t s’est opposé publiqueme­nt à la suppressio­n de l’allocation de solidarité spécifique et au conditionn­ement du Revenu de solidarité active (RSA) voulu par le gouverneme­nt Attal. «Faire culpabilis­er les gens quand ils n’ont pas d’emploi au lieu de les accompagne­r est à mon sens une erreur d’approche fondamenta­le», affirme Gleyze, qui appelle plutôt à une «responsabi­lité collective» et «plus de justice sociale». Ses équipes planchent actuelleme­nt sur un revenu d’autonomie, sanctuaris­ant, à l’inverse, l’inconditio­nnalité, l’accompagne­ment et la garantie d’un travail

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