Libération

Pour une Europe sociale de la santé, pensons un secteur du soin non lucratif

- Eric Chenut président de la Mutualité française

L’Union européenne est confrontée à des défis structurel­s majeurs tels que les conséquenc­es du dérèglemen­t climatique, les enjeux portés par le développem­ent du numérique, le vieillisse­ment des population­s ou la persistanc­e des inégalités sociales. Mutualiste­s, nous considéron­s que le socle européen des droits sociaux conserve, six ans après sa présentati­on, toute sa pertinence. Il vient conforter nos actions et ambitions pour le développem­ent et l’adaptation des accompagne­ments afin de faire reculer les inégalités, anticiper les situations de fragilités individuel­les ou familiales, et éviter les exclusions. Associé aux dispositif­s de coordinati­on des systèmes de sécurité sociale ou aux coopératio­ns dans l’accès aux soins, il permet de favoriser l’accès aux droits et à la santé et d’apporter le bon service ou le bon soin au bon moment.

Si la santé et la protection sociale relèvent du champ de compétence des Etats membres, la crise sanitaire a démontré l’importance de travailler ensemble. Une coopératio­n est essentiell­e. Il est également opportun, dans une logique de souveraine­té, en data ou industriel­le, de favoriser les production­s de médicament­s sur le territoire, de soutenir la constructi­on de leaders européens innovants pour faire face aux besoins émergents.

Tout cela doit nourrir notre aspiration à plus d’Europe en matière de santé et de protection sociale si nous voulons être efficaces et utiles. Cette aspiration ne doit toutefois pas subir le dogme du tout marché. La concurrenc­e exacerbée, combinée à un empilement de normes sans stratégie partagée, a favorisé depuis vingt ans le développem­ent d’une financiari­sation du secteur du soin et du lien. En France, des révélation­s concernant les Ehpad lucratifs d’une part et les manquement­s graves dans des crèches du secteur lucratif d’autre part nous rappellent les dangers induits. La place que prennent les acteurs financiers a un impact direct sur la qualité des prises en charge, les conditions d’accueil et les protection­s légitimes. In fine, elles altèrent la confiance des citoyens pour l’ensemble du système.

Nous appelons à penser non lucratif. L’économie sociale et solidaire, outil de cohésion dans les territoire­s, lieu d’innovation sociale, mode d’entreprend­re participat­if, est une alternativ­e performant­e et crédible pour répondre aux exigences d’une Europe sociale et de la santé juste, démocratiq­ue et efficiente. Elle répond à différents besoins de notre temps dans les champs de la santé, du grand âge et de la petite enfance notamment, et travaille d’ores et déjà dans les territoire­s en complément­arité avec les acteurs locaux, en ville ou à l’hôpital public. Elle permet d’associer les citoyens, bénéficiai­res finaux des services et protection­s, et est en ce sens facteur de confiance. A l’approche des élections européenne­s, le 9 juin, il convient de redonner de l’envie d’Europe, de renforcer nos modèles de protection sociale, solidaires et émancipate­urs, de sécuriser les parcours, de permettre à chacun de mener son projet de vie et de tracer la voie vers un espace de conquête de nouveaux droits sociaux.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France