Pollution de l’air L’UE trouve l’inspiration
Le Parlement européen a adopté mercredi unend directive visant à réduire de moitié les valeurs maximales d’exposition aux principaux polluants atmosphériques en 2030. Une avancée qui ne permet toutefois pas de s’aligner sur les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé.
LLe vote a été accueilli avec soulagement par les associations et les spécialistes de santé publique qui craignaient un nouveau revers environnemental au niveau d’une institution européenne.
e commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius, avait qualifié ce texte «d’étape importante» pour une Europe «sans pollution, plus propre et plus saine». Mercredi à Strasbourg, les eurodéputés réunis en plénière pour la toute dernière fois avant les élections de juin ont adopté à une large majorité la version finale de la directive sur la «qualité de l’air ambiant» destinée à durcir les valeurs limites d’exposition aux principaux polluants atmosphériques d’ici 2030. Un vote accueilli avec soulagement par les associations et les spécialistes de santé publique qui craignaient un nouveau revers environnemental au niveau d’une institution européenne. Même si ce nouveau cadre législatif présente des trous dans la raquette, même s’il doit encore être approuvé définitivement par le Conseil de l’Union européenne, même si les normes fixées auraient pu être plus ambitieuses en s’alignant sur les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
«Au lieu de faire trois pas en avant, on en fait certes peut-être qu’un ou deux, mais on les fait dans la bonne direction, réagit l’eurodéputé
Pascal Canfin (Renew), président de la commission environnement du Parlement. Cette législation va mettre une réelle pression sur les Etats pour qu’ils améliorent la qualité de l’air que nous respirons.» «Malgré ses imperfections, cette directive a le mérite de répondre à une urgence vitale, commente de son côté Sophie Perroud-Akkerman, coordinatrice au sein du réseau européen d’organisations Health and Environment Alliance. 97% de la population urbaine respire un air considéré comme malsain en Europe. Personne n’est épargné par ce terrible fléau.»
UNE FAÇON DE VOIR LE VERRE À MOITIÉ PLEIN
Le contenu législatif validé mercredi apporte donc une première réponse face au «plus grand risque environnemental pour la santé dans l’Union européenne», à l’origine chaque année d’environ 300 000 morts prématurées sur le Vieux Continent. Fruit de négociations intenses en trilogue jusqu’à fin février, le texte s’inscrit dans le cadre de l’objectif «Zéro pollution en 2050» du Pacte vert européen. Il repose avant tout sur l’abaissement à l’horizon 2030 des valeurs limites d’exposition aux polluants atmosphériques les plus nocifs, notamment les particules fines PM2,5 (de diamètre
inférieur à 2,5 micromètres) et le dioxyde d’azote (NO2).
Ainsi, la limite annuelle pour les particules fines, aujourd’hui de 25 microgrammes par mètre cube (25 µg /m3), ne sera plus que de 10µg/m3 d’ici six ans. Pour le dioxyde d’azote, elle ne sera plus que de 20 microgrammes par mètre cube contre 40 aujourd’hui. La directive européenne réduit par conséquent de plus de la moitié les seuils en vigueur. C’est une façon de voir le verre à moitié plein.
Toutefois, les nouvelles normes édictées par cette directive restent deux fois plus élevées que les valeurs maximales préconisées par l’OMS depuis 2021. C’est une manière de constater que le verre demeure à moitié vide. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, près de 238 000 personnes en Europe sont décédées précocement rien que pour l’année 2020 «en raison d’une exposition aux particules PM2,5 supérieure au seuil prescrit par l’Organisation mondiale de la santé». La pollution par le dioxyde d’azote a, elle, causé 49 000 morts.
En septembre, lors d’un précédent vote au Parlement relatif à cette directive, les eurodéputés avaient bien voté une disposition visant à accorder strictement les standards de l’Union européenne à ceux de l’OMS pour 2035. Mais
le projet a été vite évincé lors des discussions avec les représentants des Vingt-Sept. Reste dans le texte final l’engagement de «réexaminer les normes au 31 décembre 2030», puis tous les cinq ans et plus «souvent si nécessaire», en fonction des «découvertes scientifiques substantielles».
«Les Etats membres se sont montrés très préoccupés par la faisabilité et le calendrier de mise en oeuvre des nouvelles normes de qualité de l’air, d’autant plus que de nombreux territoires ont encore du mal à respecter les normes actuelles, expose l’élu Javi López (groupe So
cialistes et démocrates) à l’initiative de la proposition d’alignement pour 2035. Nous avons accepté le compromis du texte final, qui marque une avancée significative, car nous devons rester réalistes. Avec des objectifs trop hauts, il y avait un risque qu’ils soient rejetés. Nous aurions juste tout perdu.»
DES DÉROGATIONS ACCORDÉES À CERTAINS ÉTATS
En pratique, comment cette directive européenne va-t-elle se traduire ? Celle-ci impose à chaque pays d’établir une «feuille de route» nationale pour atteindre les nouveaux seuils réglementaires, et de présenter ce document à Bruxelles avant 2030. «La directive suggère toute une série de mesures qui pourraient permettre aux Etats de faire avancer les choses, ce qui par exemple se traduit dans le domaine des transports par le développement des zones à faible émission, de la mobilité douce, le renforcement et l’électrification des transports publics…» liste Zachary Azdad, de l’ONG Transport & Environment. Problème : le texte législatif introduit également des flexibilités notoires dans lesquelles les gouvernements pourraient s’engouffrer pour repousser les échéances.
De fait, les Etats membres auront la possibilité de reporter au 1er janvier 2035, voire au 1er janvier 2040, leur obligation de respecter les nouveaux seuils, s’ils justifient auprès des instances européennes de «conditions spécifiques», et «démontrent» que les valeurs limites ne pourront pas être atteintes dans le délai imparti. «On parle surtout ici de territoires très dépendants au charbon pour le chauffage domestique, comme la Pologne, développe Zachary Azdad. Ou de régions qui concentrent beaucoup de pollution à cause de leur morphologie en cuve, à l’image de la plaine du Pô en Italie.»
Selon la directive, les bénéficiaires de ces régimes d’exception devront mettre à jour leur feuille de route «tous les deux ans et demi» auprès de la Commission européenne, et ce jusqu’à la fin de la période de report. «On espère que les Etats membres ne feront pas appel à ces dérogations. On espère même qu’ils trouveront l’élan pour aller rapidement plus loin que la directive, dit Sophie Perroud-Akkerman, du réseau Health and Environment Alliance. Le temps presse, il faut atténuer au plus vite les ravages de la pollution de l’air. C’est une question de santé mais aussi d’égalité car nous savons que les personnes les plus vulnérables socio-économiquement sont aussi les plus exposées.»